lundi 23 avril 2012

Le mystère du vote FN en Seine-Saint-Denis.

Le haut score du FN a ramené l'ensemble de notre pays face à des réalités que nous ne pouvons ignorer plus longtemps : en France, l'extrême-droite a réussi à consolider son assise, particulièrement dans ses bastions ruraux de l'Est et du Nord, dans les villes du Sud-Est et dans les zones périurbaines des grandes villes. Cette répétition du vote FN ne peut plus nous leurrer, et il faut admettre qu'un cinquième des habitants de notre pays adhèrent aux idées du parti d'extrême-droite. Certes, il y a aussi sans doute un rejet de Sarkozy, mais je ne crois pas que cela suffise à expliquer ces résultats.

De ce fait, je persiste à dire que la stratégie du Front de Gauche (FdG) était la bonne, et qu'il fallait attaquer Marine Le Pen, en particulier sur le fond idéologique de la plupart de ses propositions. Les médias et les autres candidats ont préféré la banaliser, voire même s'intéresser gentiment à elle. Maintenant, nous voilà corsetés pour les vingt prochaines années par un vote utile qu'on ne va pas cesser de nous rabattre à la figure. Au moins, le changement est-il maintenant impossible : vous avez le choix entre la politique de centre-droit et celle de l'extrême-droite (qui ne gagnera jamais tant que la droite n'aura pas signé d'accord avec elle) et si vous avez d'autres idées, attention au chien de garde !

Dans cet océan de malheur, il y a un cas qui tend à me rassurer quelque peu. On a peu lu encore d'articles pour analyser l'évolution du vote Le Pen. Intéressons-nous à un vieille zone électorale du FN : le 93.

Ah, le 93... A priori, c'est la terre idéale pour le discours frontiste : une pauvreté persistante, un grand nombre d'étrangers et de Français d'origine étrangère, des tas de cités dans tous les coins du département, une délinquance récurrente, un chômage toujours élevé... Le département ne manque pas de contradiction (voir le Raincy, Coubron et les bobos des Lilas et du Pré) mais le FN a là un très bon terrain pour draguer tous les peureux de la Terre. D'ailleurs, dans les années 1980-1990, le FN y faisait des scores tout à fait importants. En 2002, le père Le Pen avait accumulé plus de 70 000 voix, avec 17,74% des exprimés.

Que se passe-t-il cette année ? Eh bien, Marine Le Pen chute. Malgré une baisse nette de l'abstention par rapport à 2002, le FN tourne à 13,55 et à 72 335 voix, soit une toute petite progression en voix. J'évacue 2007, parce que Le Pen avait baissé partout, et je crois que le siphonnage de Sarkozy restera comme une triste exception de l'histoire.

J'ignore totalement la cause de cette évolution et de la baisse du FN ici, mais il faut absolument s'y intéresser. En effet, il n'y a pas de raison facilement visible, car les facteurs traditionnellement évoqués du vote FN sont bien là. Est-il logique qu'on vote à 21,4% Le Pen dans le Lot-et-Garonne et seulement à 13% en Seine-Saint-Denis ? Cette évolution ne se retrouve pas dans d'autres grandes villes, comme Marseille par exemple où, dans certains quartiers, la population est similaire.

Il y a sans doute des explications. En tout cas, elles invitent à revoir totalement notre vision du vote FN. C'est important pour la suite de notre action et de notre militantisme politique. C'est important car maintenant que ce vote est un vote d'adhésion, on ne peut plus éviter de le combattre de front. 

Au travail !

18 commentaires:

  1. Il faut se pencher sur le 93 , mais il faut aussi se pencher sur le reste qui n'est pas rien.

    Aussi, je me garderais bien de conclure comme vous alors que l'analyse sérieuse des détails du vote n'a pas encore été faite.

    En dogmatisant d'entrée votre position, vous vous interdisez de faire évoluer votre propre pensée en rapport avec les éléments concrets qui je viens de le dire restent à analyser.

    Autant le socle du programme du FDG est plutôt bon car il s'en prend au capitalisme financier et entame quel-que chose qui ressemble à une transition vers une société socialiste, autant l'analyse de la montée du Front national reste un point aveugle (ou au moins partiellement aveugle ) de l'analyse du Front de gauche.

    Certes, j'ai apprécié hautement la campagne de JL Mélenchon dans son ensemble, mais j'ai trouvé que son mitte-randisme et son jospinisme résultait d'une analyse totalement erronée de la manière dont les salariés ont vécus cette période.

    Pour un très grand nombre d'entre-eux, la gauche les a laissé tombé.

    Personnellement j'ai fait cette constatation dans mon entreprise dès 1982 ou j'ai vu changer radicalement le "management" du personnel dans les entreprises. Nous sommes devenus des moins que rien et ceci du jour au lendemain.
    Avec le gouvernement Jospin, ça été pire encore.
    Et pourtant j’étais dans une entreprise publique (EDF-GDF).
    La vie devenait intenable pour tous les « opposants ».

    Bref, tout ceci mériterait une analyse beaucoup plus poussée de ce qu’on vraiment vécus les salariés. Car malgré tout je n’ais pas été compris dans les wagons de licenciements massifs qui ont accompagnés l’ére du « socialisme » miterrandien et jospinien (avec la honteuse participation du PCF que j’ai quitté pour cette raison alors que j’y avais été un militant actif responsable d’une section d’entreprises) justement.

    C’est en 1982 que j’ai vu affluer les SDF à la Gare de Lyon (je travaillais à côté) et pas sous Giscard d’Estaing.

    Aussi, je crois que JL Mélenchon et peut-être vous-même feriez bien de faire retour sur ce passé qui a été dou-loureux pour nous et semble-t’il pas trop pour vous.

    Aussi la question n’est pas de savoir si le vote Le Pen est un vote d’adhésion ou non, ce qui est une manière assez facile de faire retour dans la tour d’ivoire d’un très grand confort intellectuel, mais d’essayer de comprendre pourquoi tant de travailleurs ont quitté le PS et la gauche toute entière.

    Si ce travail en profondeur n’est pas fait, autant dire que le programme du front de gauche a du plomb dans l’aile.

    Et si je prend la peine de vous écrire tout cela d’un ton qui vous paraîtra peut-être véhément, c’est que je fais le pari que le nouveau parti de gauche est en capacité d’écouter ce qu’on peut avoir à lui dire.
    C’est mon pari sur l’intelligence.

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  2. Ma commune de naissance en Bretagne
    2012 : 218 voix
    2007 : 108 voix
    2002 : 124 voix

    Il se passe quelque chose même dans les régions épargnées jusqu'alors

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  3. @ Clp : je ne crois pas que Mélenchon ait ignoré tout ce que vous dites ici, et je ne prends pas du tout le vote FN à la légère, loin de là. Je m'étonne juste de cette évolution contradictoire de mon département qui est pourtant un vieux lieu de vote FN.

    Pour votre histoire de l'évolution du salariat, j'étais enfant dans les années 1980 et n'ait donc pas le recul. Lorsque j'étais étudiant, j'ai bossé dans le privé et je n'ai connu que des relations du travail horribles. Quant à ma carrière d'enseignant depuis 10 ans, le moins que l'on puisse dire est que les relations sociales ne cessent de se dégrader.

    Je suis d'accord avec vous sur le manque de recul de Mélenchon sur les années 1980 et 1990. Je suppose qu'il a du mal à gérer son propre passé politique. Sur le PCF, je crains que la participation au gouvernement se reproduise dans quelques semaines, mais on verra bien.

    D'accord avec vous sur l'importance de l'analyse de fond.

    @ D. Burlot : oui oui, il se passe quelque chose. Je n'ai pas dit le contraire. Cela doit-il nous abattre et nous faire cesser la lutte ? Non, je ne crois pas.

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  4. Sans déconner, vous ne voyez vraiment pas la raison de cette baisse, ou c'est juste pour nous faire rire ? Il ne vous est pas apparu que de plus en plus d'électeurs de ce département sont, comme on dit, issus de l'immigration arabo-africaine ? Pourquoi voudriez-vous que tous ces Français de fraîche date aillent voter pour Marine Le Pen, qui est la seule à ne pas chanter leurs louanges ? Il ne faut pas les prendre pour des andouilles non plus, hein !

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  5. @ Didier : Le 93 est bien plus en train de se boboïser que de voir partir ses Gaulois. D'autre part, il semble que les immigrés de Marseille, de Nice et d'Alsace sont bien moins conscients de leurs intérêts de groupe, apparemment...

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  6. Mathieu,

    Tu me réponds "politique fiction" quand j'écris sur l'évolution du vote F haine confronté au FdG. Quand je préfèrerais la "politique dissection" que tu entames avec ce nouveau billet. ;o)

    Dans mon agglo on a vu nombre de quartiers avec un F haine à 42% lors des cantonales pour des candidats inconnus qui n'ont pas fait campagne. On ne retrouve pas ces chiffres pour le vote d'hier. Cette baisse ou stagnation, comme celle que tu remarques dans le 93, est une question intéressante à décortiquer.

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  7. Et cette “boboïsation” ne vous semble pas être un élément de réponse à votre question initiale ? Qui, en général, est pour la mixité “sociale”, le vivre-ensemble, etc., sinon ces mêmes bobos ?

    Je pense que si vous joignez les deux éléments (bobos/Français récents), vous tenez la réponse entière…

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  8. @ Partageux : c'est vrai, mais on ne peut imaginer la situation sans Mélenchon, vu que cela n'a pas eu lieu. Le Pen aurait fait un fort score aussi, de toute façon.

    @ Didier : oui, la boboïsation est un facteur, mais elle ne suffit pas car elle se concentre dans quelques communes pour le moment (Montreuil, Pantin, Les Lilas, Le Pré, Romainville et Bagnolet). Or, le FN stagne ou baisse partout. C'est aussi le cas chez moi, au Raincy, où les immigrés sont peu nombreux et où le maire s'évertue à agiter la menace des hordes barbares de Montfermeil et Clichy. A noter cependant qu'ici, au Raincy, Sarkozy n'a que très peu baissé par rapport à 2007...

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  9. Comme David Burlot.
    Dans un département au score FN faible, on voit monter (et parfois monter très fort, 27%, 32%) ce vote.
    J'ai laissé un commentaire chez Didier Goux. Quand on discute avec les jeunes ruraux qui votent FN dans des endroits non concernés par l'immigration, les arguments de la souffrance, de la protestation, de la colère, ne tiennent pas. C'est bien un vote d'adhésion à un projet politique dont il s'agit.

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    1. Je suis d'accord sur la notion de vote d'adhésion.

      C'est la contradiction entre un mouvement dont le programme n'est pas social mais qui incarne une volonté de changement social.

      Le désastre idéologique du PS se voit bien finalement.

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  10. Désastre idéologique du PS ? Oui :
    - aucune leçon tirée de 2002 ;
    - aucun travail de modernisation de la sociale-démocratie face au libéralisme européen ;
    - aucun travail d'assainissement des méthodes internes (cumul des mandats qui mène à la constitution de "fiefs", fraudes diverses et variées).
    Et comme on nous vend Hollande depuis la chute de DSK il sera élu ce qui fournira une bonne raison au PS pour ne surtout rien changer ! Et continuer à mépriser les inquiétudes des "petits"...

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    1. C'est bien pour cela qu'il faut travailler à la réussite du Front de Gauche.

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  11. Il reste moins de 50% de blancs dans le 93. Les 13.5% du FN dans le 93 correspondent en fait à plus de 27% des blancs.

    des gros racistes ? non, tout simplement des pauvres gens qui ne supportent plus la délinquance.
    D'ailleurs la corrélation délinquance - vote FN se retrouve partout en france:
    http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/france/delinquance-la-culture-du-chiffre-en-sursis-etat-des-lieux-breton-15-01-2010-737687.php

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    1. Quelle est votre source pour les 50% de blancs ?

      Le 93, le 94 ou Paris semblent aller à l'encontre de votre conclusion.

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    2. http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_l%27%C3%8Ele-de-France#Les_enfants_d.27immigr.C3.A9s_-_La_seconde_g.C3.A9n.C3.A9ration

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    3. J'ai trouvé des stats sur les étrangers et sur les Français, mais pas sur les couleurs de peau.

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  12. Il serait bon de rappeler que la Seine-Saint-Denis n'a jamais été un fief électoral du FN. Malgré il est vrai quelques bons scores dans les années 80-90 et même en 2002. N'oublions pas surtout que ce département est en train de "basculer"...

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    1. Sur Pantin, ma ville d'origine, le FN faisait 17% dans les années 1990 et en 2002, soit autant que Le Pen au plan national cette fois-ci. Cela a duré. Vu que le FN est un parti récent, je trouve que cela correspond à un fief.

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