mardi 22 février 2011

Les syndicats enseignants n'ont jamais été aussi faibles qu'aujourd'hui...

Lorsque je lis la blogosphère de droite concernant la crise de l'Education nationale, on y trouve plus ou moins deux responsables à toute cette gabegie. Je vais te rassurer de suite, cher lecteur, il ne s'agit pas de la politique menée par les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir depuis le milieu des années 1990.

Soit mes camarades de droite accusent les syndicats enseignants, citadelles marxistes ne pouvant se remettre en cause et devenir modernes, soit ils condamnent un gouvernement inopérant dans sa lutte contre ces citadelles marxistes imprenables. Finalement, si l'on synthétise la pensée globale de mes camarades de blogage, ce sont bien les syndicats, pesant de leur poids sur le système, qui cassent tout.

Ce qui est assez mystérieux, c'est de corréler cette constatation avec l'évolution du pouvoir de ces syndicats. Dans les années 1980, la défunte FEN revendiquait un nombre de syndiqués qui recouvrait presque 70% des salariés de l'Education. Ce cas, unique dans le monde syndical français, marquait un pouvoir réellement important. Lorsque la FEN lançait un mot d'ordre de grève, il était suivi. Certes, on peut bien évidemment, avec le recul, relativiser ces chiffres, mais un vieux collègue me disait récemment : "tu sais, quand on rentrait dans le secondaire dans les années 1970 ou 1980, on s'inscrivait à la MGEN et à la MAIF, on prenait sa carte au SNES ou au SNEP et on allait faire ses courses à la CAMIF. C'était comme ça, une espèce d'intronisation normale dans le monde enseignant."

Aujourd'hui, que dire des taux de syndicalisation ? Ils ont suivi la même courbe que dans le reste du monde syndical. Le SNES revendique un taux de syndiqués variant entre 20 et 25% des profs du secondaire, mais que dire des autres centrales ? Pour prendre le cas de mon lycée dit difficile, sur 82 profs, une vingtaine serait au SNES (c'est ce que dit le secrétaire local en tout cas), deux ou trois à SUD, un se revendique du SE-UNSA et un ou deux de FO. Chez les autres catégories de personnel, c'est très difficile à dire : les chefs d'établissement, leurs adjoints, les autres personnels ne s'affichent pas auprès des profs... En tout cas, on obtient un taux de syndicalisation sur mon établissement de 31% environ, et bien peu militent vraiment.

Et puis, il faut mettre tout cela en regard des victoires réelles des syndicats ces dernières années. Si tu lis régulièrement ce blog, cher lecteur, tu sais que je n'hésite pas à suivre les mots d'ordre de grève. Combien ont été gagnées depuis 1995 ? En écoutant les collègues plus âgés, il me semble qu'on ne peut retenir que le mouvement contre Allègre de 1998. Depuis, il n'y a pas eu de victoire. La grève reconductible de 2003 a été un échec et depuis, les syndicats hésitent entre un jusqu'au-boutisme très peu suivi (SUD, FO, CGT, CNT) et une compromission avec le pouvoir aux résultats très pauvres (SE-UNSA, SGEN-CFDT). Quant à la FSU, elle s'enferre dans une stratégie de grèves perlées mais régulières dont on ne peut pas dire qu'elles servent à grand-chose...

Pourtant, les syndicats restent encore écoutés dans les salles des profs. La participation aux élections professionnelles est toujours très élevée (près de 60% de participation en 2008, alors que les élections aux prud’hommes  peinent à dépasser les 35%) et les appels à la grève de la FSU sont toujours suivis.

Alors, qu'en conclure ?

Tout d'abord que les syndicats enseignants n'ont sans doute jamais été aussi faibles depuis la fin de la dernière guerre en France et qu'ils ne parviennent pas à bloquer la dégradation du système éducatif. Cette situation vient sûrement d'un grave problème de stratégie et d'orientation idéologique. Les blogueurs de droite se trompent donc de cible à mon sens, car finalement, les réformes gouvernementales passent.

Par contre, il suffirait de peu de choses pour que les profs se réinvestissent dans leurs syndicats, d'abord d'un véritable travail idéologique et ensuite de changements de stratégie. Cependant, je te rassure de suite, électeur de droite, cela n'arrivera pas de suite : les nouvelles lois sur le syndicalisme vont faire tellement de mal aux syndicats que c'est loin d'être gagné...

4 commentaires:

  1. C'est un fait et une idée qui peut être généralisée: en France, les syndicats perdent leur impact, de par leur multiplicité ou les résultats apportés, pourtant sine qua none de la participation aux mouvements...
    Dans tous les domaines, ils perdent du poids, hélas...

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  2. @ Homer : eh oui, même si la situation est moins dégradée dans l'éducation, le phénomène est général.

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  3. Alors que certains gourous du web affirment que les blogs de droite n'existent pas, lire un article considérant ce qu'il s'y dit change de façon notable !

    "Soit mes camarades de droite accusent les syndicats enseignants, citadelles marxistes ne pouvant se remettre en cause et devenir modernes, soit ils condamnent un gouvernement inopérant dans sa lutte contre ces citadelles marxistes imprenables."

    Je ne peux parler que de mon propre point de vue, mais sur le deuxième point, j'ai tendance à penser que ces dernières années, les gouvernements ont été plus efficaces dans le rapport de force entre intérêt général et intérêts particuliers réprésentés par les syndicats, notamment en arrêtant de céder pour un oui ou pour un non.

    Sur le premier point en revanche (les citadelles marxistes), je suis assez d'accord. Le billet précédent de ce blog va d'ailleurs dans ce sens, en exposant le fait que les lignes politiques qui séparent les syndicats sont entre le communisme et le socialisme. Où sont les syndicats d'enseignants de droite ?

    La question reste théorique, s'il existe évidemment des profs de droite, de nombreux facteurs sociologiques font que l'Education Nationale est très majoritairement peuplée de gens de gauche. Toujours est-il que ce manque d'équilibre a un impact dans les dynamiques collectives.

    En outre, je ne considère pas que le pouvoir de nuisance d'un syndicat se détermine à proportion de ses adhérents (dans d'autres pays, des syndicats qui ont davantage d'adhérents participent à un dialogue social plus constructif), mais au fait de lancer des grèves et de mettre invariablement un million de personnes dans la rue. En tant que but en soi, cela semble toujours bien marcher, et a un impact sur la vie quotidienne.

    Généralement, la meilleure façon de faire louper une réforme est en fait d'y mettre de la mauvaise volonté, comme on l'a vu lorsque Gilles de Robien rencontra la défiance en voulant imposer l'apprentissage syllabique de la lecture.

    Je concluerai en énonçant d'autres causes des problèmes de l'Education Nationale :
    - L'Etat (eh oui), non pas tant par les réformes cosmétiques à chaque ministre (laquelle a véritablement changé quelque chose), que par les programmes au rabais et la dévalorisation du bac.
    - Et bien sûr, les élèves eux-mêmes. Pas tous, seulement la petite minorité marxiste qui perdure toujours, et qui au lycée ou à la fac, arrive à bloquer périodiquement les cours (là aussi, combien de lycéens syndiqués ?). Par un choix d'orientation judicieux, ceux qui en font partie ne se dirigent probablement pas ensuite vers le secteur privé.

    Du reste, je considère que le vrai problème se situe plutôt dans les universités.

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  4. @ Xerbias : j'ai fait le décompte dans mon reader, et j'ai comptabilisé 39 blogs que je considère comme clairement de droite. Après, tout est bien sûr relatif... Enfin, dire qu'il n'y a pas de blogs de droite, c'est risible.

    Sur le comportement du gouvernement, je trouve aussi que les gouvernements Chirac-Sarkozy ont réussi à mettre en difficulté les syndicats, et que ceux-ci n'ont pas encore réussi à réorienter leurs actions en conséquence.

    Sur le premier point, il faut quand même dire que le "marxisme" et le "communisme" des syndicalistes se sont largement étiolés. De même, les "socialistes" sont proches du PS, et donc pas vraiment socialistes pour le coup. Les militants que je connais sont très peu encartés, très rarement au PCF en tout cas. Souvent, s'ils sont encartés, ils sont au PS, au PG ou au NPA.

    Pour moi, il y a un vrai syndicat de droite : le SNALC-CSEN (mais ses militants refusent cette qualification). On trouve aussi des gens de droite au SNES et à la FSU, au SGEN et (je vais vous surprendre) à SUD.

    D'autre part, les profs de droite sont plus nombreux qu'on ne le croit souvent. Personnellement, je les situe entre 30 et 45% des collègues. Mais c'est difficile à dire tout de même, car ils se cachent. De plus, ils sont souvent d'une droite étatiste et assez autoritaire.

    Les syndicats enseignants ne sont pas capables de mettre un million de personnes dans la rue, en tout cas pas en ce moment. Par contre, ils mobilisent encore assez bien par rapport à la CGT et à la CFDT dans le privé.

    Sur la mauvaise volonté, cela marche mais tout dépend de la détermination de l'administration et des politiques. Il faut une certaine volonté pour la conserver mauvaise, et l'employeur a aussi des moyens de pression, malgré la sécurité de l'emploi et le statut.

    Sur le bac et les programmes, totalement d'accord. Sur les élèves, pas vraiment : dans le 93, les élèves engagés sont quasiment inexistants. En fait, ces fameux élèves "marxistes" que vous décrivez se rencontrent surtout dans les lycées bourgeois...

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