mercredi 8 septembre 2010

La grève, un droit décidément comme les autres.

C'est assez étonnant, quand y pense, les relations que nos concitoyens peuvent avoir avec le droit de grève.

Comme avant chaque mouvement, il est toujours intéressant d'écouter les grandes radios ou de lire les sites des journaux et leurs merveilleux commentaires de lecteurs. Très souvent, on y condamne les "gauchistes" (impossible qu'un autre citoyen se lance là-dedans), ultra-majoritairement fonctionnaire (parce que le salarié du privé aime le travail et n'en rate jamais une journée) et qui font, en fait, de la politique à travers la grève et ne comprennent rien à l'économie (parce que ça, Môssieur, c'est une science que seul un homme de droite peut maîtriser...).

Pourtant, cette vision-là serait facile à démonter s'il n'y avait pas aussi une autre idée, très dominante, sur l'illégitimité de l'action de grève en soi. Certes, elle est très présente dans la blogosphère libérale, avide de rendre à nos concitoyens leurs libertés de se faire exploiter tranquille, mais vu le faible poids politique en France des libéraux, le questionnement ne vient pas de là. Globalement, on retrouve régulièrement l'idée que la grève, comme elle emmerdante pour nos concitoyens, n'est donc pas légitime, et finalement, ne devrait pas être faite. On plaque cette idée sur le secteur public, mais on peut tout à fait considérer qu'elle concerne privé car :
  1. les entreprises fournissent aussi des services indispensables et quand ces services disparaissent pour une période, cela ennuie aussi les clients, voire plus de monde dans certains cas (souvenez-vous des grèves des routiers...),
  2. les salariés du privé ne font quasiment plus grève du fait de la pression des employeurs dans de nombreux secteurs et du délitement des syndicats, incapables d'améliorer les conditions de vie et de travail de nos concitoyens.
En clair, le droit de grève serait moins légitime que les autres parce qu'il embête les gens.

C'est pourtant le cas de tous les droits. Ne dit-on pas que notre liberté s'arrête là où commence celle des autres ?

Tous les droits peuvent s'avérer pénibles pour nos concitoyens. Encore récemment, notre société s'est retrouvée majoritairement pour proposer de réduire la liberté de religion en refusant aux femmes suffisamment coincées pour le faire le droit de porter le voile. Notre société se propose aussi de réduire les libertés de circulation, en particulier aux personnes non-blanches et pauvres, alors que cette idée est au coeur de la construction européenne. Régulièrement, on menace internet de contrôle, même si l'efficacité reste encore aléatoire. Tous les droits sont discutés et remis en question, tous les droits dérangent, tous les droits peuvent s'avérer pénibles pour nos voisins, mais il s'agit bien là de ce qu'il faut accepter pour vivre dans une démocratie.

Régulièrement, concernant les grèves en particulier, on lit qu'un droit dont on se sert trop s'use. Cette phrase est d'une telle stupidité qu'on peut se demander quelles sont les véritables arrière-pensées de ceux qui l'emploient. Trouvez-vous, cher lecteur, que la liberté s'use ? Trouvez-vous que le droit à l'expression s'use ? Non, décidément, les droits ne s'usent pas. Ceux qui aimeraient qu'ils s'usent sont ceux qui ne les aiment pas, et dont il faut considérablement se méfier.

Pour qu'un droit soit respecté, il faut qu'il s'exerce librement, encadré par des lois (dont le seul but devrait être d'éviter qu'un droit d'un individu n'empêche un autre individu d'exercer le sien). La constitution affirme que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, ce que nous faisons bien sûr. Si ce n'était pas le cas, nos employeurs ne nous louperaient pas !

Ainsi, lorsqu'une grève se produit, la seule discussion logique devrait être sur ce qui la motive, et éventuellement sur les stratégies adoptées. Tout à l'heure, je me suis retrouvé bloqué par l'absence de RER E, du fait d'une reconduite de la grève d'hier. Je me suis demandé si c'était opportun dans le cadre de cette lutte, mais je ne me suis pas dit qu'il fallait supprimer le droit de grève dans les transports pour autant. J'ai patienté une heure, je me suis serré dans le wagon et je suis rentré chez moi.

Comme si, moi, je remettais en cause la liberté d'expression à chaque fois que je lis un article de blog avec lequel je ne suis pas d'accord ! Il y en aurait, du monde, au goulag.

20 commentaires:

  1. Si un service est tellement essentiel qu'il doit être opéré par l'Etat plutôt que par le secteur privé, alors la première priorité c'est d'assurer sa continuité. Je pense que la vocation du service public, c'est justement de servir les citoyens.

    Malheureusement, il est bien souvent opéré par des gens qui font de la défense de leur propre intérêt particulier leur priorité plutôt que l'intérêt général. A quoi bon avoir des infrastructures coûteuses, telles que les lignes de chemin de fer, si elles ne sont pas exploitées ? Le drame, c'est pour les usagers, méprisés par les mêmes agents qui devraient être à leur service.

    C'est pourquoi je considère que la possibilité de faire grève devrait être davantage limitée dans le secteur public.

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  2. Joli billet. On aurait presque dit du Bastiat. ;-)

    Sur le fond, la comparaison avec la burqa et les expulsions est tout de même à double tranchant, je trouve, puisqu'il ne suffit pas que l'exercice d'un droit ou d'une liberté "gêne" certains membres de la société pour que l'État puisse légitimement y porter atteinte.

    Tout-à-fait d'accord, ceci dit, sur la comparaison avec la liberté d'expression, dont le droit de grève est à de nombreux égards un descendant. Mais de la même manière qu'il est un peu facile de "crier au loup" en accusant un adversaire de vouloir porter atteinte à la liberté d'expression lorsqu'il combat nos thèses, je regrette que de nombreux grévistes ne trouvent pas d'autre argument pour justifier leurs mouvements que le simple rappel du caractère constitutionnel du droit de grève.

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  3. Ce n'est pas un socialiste qui a instauré le droit de grève... mais un libéral.
    Et personne ne conteste la légitimité du droit de grève, mais celle du droit de grève pour certains services publics.
    L'administration pénitentiaire n'a pas le droit de grève. Cela te paraît normal non ? Les policiers aussi. Idem ?
    Certaines personnes considèrent que les transports ou l'éducation sont des services publics importants, et que leur continuité, qui a également une valeur constitutionnelle, doit primer sur le droit de grève des agents.

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  4. @ Xerbias : je m'arrête sur la première phrase. Pour moi, tout service existant a une importance. Si les agriculteurs cessent de produire de la nourriture, on meurt de faim, et pourtant, ce n'est pas l'Etat qui produit. Toute activité économique vise à servir les citoyens, même si cela enrichit parfois certaines personnes.

    Sur le reste, tout le monde défend ses intérêts, mais en France, les salariés du privé ne le peuvent plus que rarement, car les pressions sont fortes.

    @ Rubin : étant un lecteur de ce blog, je suppose que tu as pu voir passer les billets que j'ai fait sur les retraites. Il pourrait y avoir un débat là-dessus, et j'y suis totalement prêt. De toute façon, tu le sais très bien.

    Sur l'intervention de l'Etat, je suis totalement d'accord avec toi, et je ne crois pas avoir dit autre chose. Cependant, je trouve que l'Etat a de plus en plus tendance à vouloir y porter atteinte sans raison suffisante.

    Sur la défense de la grève, cela n'arriverait pas si on ne cessait pas de la remettre sans arrêt en cause (voir commentaire du dessus et du dessous).

    @ Paul : un droit ne se divise pas. Soit il est entier, soit il est nul.

    Certes, la pénitentiaire ne fait pas grève, mais elle peut faire des grèves perlées qui font beaucoup de mal à l'État. Il en est de même pour les policiers : on n'est pas toujours obligé de répondre aux objectifs d'arrestation du gouvernement, hein ? C'est pareil dans la fonction hospitalière : on assure les urgences et on laisse tomber le reste.

    Je suis tout à fait conscient que certaines personnes considèrent qu'il faut remettre des droits en cause, tu viens de le dire, et c'était tout le sujet de mon billet. Une question simple : trouverais-tu normal que les enseignants d'une école privée se mette en grève ? Que des salariés des transports privés (comme les routiers) se mettent en grève ?

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  5. Hum, je vais tout reprendre depuis le début.
    - Dans le secteur privé, le but le plus important est d'avoir une activité qui permette de gagner de l'argent. L'agriculteur cultive son champ pour cela. L'ouvrier travaille à l'usine pour cela. Le patron organise l'entreprise pour cela.
    - Dans le secteur public, le service rendu est plus important que l'argent généré.

    Je continue :
    - Dans le secteur privé, l'ouvrier fait grève pour faire pression sur son patron : s'il n'y a pas de travail, le capital sera improductif et il perdra de l'argent.
    - Dans le secteur public, lorsque l'agent fait grève, cela ne gène jamais le dirigeant de l'entreprise publique ni le gouvernement. Leurs revenus financiers n'ont aucun lien avec les résultats de l'administration, et eux, ils auront toujours une solution de rechange. Les seules personnes qui sont vraiment gênées sont les usagers. Les usagers ne sont pas membre du gouvernement. Certains d'entre eux font quotidiennement trois heures de transport en commun par jour pour travailler, et n'ont pas besoin qu'une grève leur apporte davantage d'ennuis. Certains d'entre eux ont besoin de chaque jour de travail, et n'ont pas besoin de s'en voir priver parce qu'ils ne peuvent s'y rendre.

    - Quand les salariés d'une entreprise privée fait grève, ils font du mal à leur patron. Leurs clients peuvent faire jouer la concurrence pour remplacer le service non produit de l'entreprise qui fait grève. Les dommages sont limités pour la collectivité.
    - Une entreprise publique a le monopole de son service. La grève du secteur public ne fait pas de mal à l'Etat, elle fait du mal au peuple. Le peuple que le service public est censé servir. Voilà où est le mépris. Voilà ce qu'il faut changer.

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  6. @ Xerbias : je vais donc répondre point par point.

    - dans le secteur public, cela va peut-être vous surprendre, mais les salariés bossent pour vivre. On a un peu tendance à l'oublier.
    - dans le secteur privé, si le service rendu est nul, l'argent ne rentre pas.

    Je continue :
    - dans le public, le salarié fait grève pour faire pression sur son patron. Et ça marche, puisque la droite française ne cesse de dire que la France est incapable de se réformer parce que le secteur public est trop combattif, avec ses syndicats marxisto-conservato-réactionnaires.
    - dans le secteur privé, de nombreuses professions, si elles se mettent en grève, peuvent parfaitement ennuyer nos concitoyens. Je prends comme exemple les routiers qui bloquent les routes tous les dix ans. Certains citoyens font quotidiennement trois heures de voiture par jour pour travailler, et n'ont pas besoin qu'une grève leur apporte davantage d'ennuis. Certains d'entre eux ont besoin de chaque jour de travail, et n'ont pas besoin de s'en voir priver parce qu'ils ne peuvent s'y rendre.

    - Quand un salarié du public fait grève, il fait du mal à son ministre, car l'électeur peut parfaitement le faire payer derrière. C'est arrivé à De Gaulle en 1969 ou à Chirac en 1997.
    - Une entreprise privée peut parfaitement se retrouver en position de monopole, ou deux ou trois en situation monopolistique. Elle fait alors du mal au peuple qui n'y peut rien, car contrairement au service public ou l'élection a un impact, sur le privé monopolistique, le citoyen ne peut strictement rien à part râler.

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  7. De Gaulle et Chirac n'ont pas été sanctionnés à cause de grèves. Un homme politique est sanctionné à cause des politiques qu'il mène. Qu'il y ait une grève ne change rien. J'imagine que vous pensez que Sarkozy ne sera pas réélu. Sera-ce parce que la politique qu'il a mené ne sera pas la bonne, ou bien est-ce parce qu'il y a eu des grèves ? Si quelqu'un n'est pas d'accord avec une politique, qu'il vote en fonction de cela, plutôt que de faire grève.

    Je note par ailleurs la logique fondamentalement viciée que vous promouvez : votre but est de pourrir la vie de vos concitoyens avec une telle ampleur que ceux-ci s'en plaignent auprès des autorités qu'ils ont élues. Certes, vous y arrivez suffisamment bien : vous rendez la vie de vos concitoyens minable. Vous en êtes visiblement fier. L'intérêt général n'est pas votre préoccupation, d'après ce que vous me dites. Comment s'étonner en effet, que la France soit dans cet état ?

    Par ailleurs, juste un rappel : faire grève, c'est ne pas travailler. Bloquer les autoroutes, ce n'est pas faire grève. Pas plus que bloquer l'accès à une université pour empêcher ses camarades d'étudier par ailleurs. Mais le fait que vous croyez que cela le soit met en évidence votre confusion entre faire pression sur son employeur et pourrir la vie de tout le monde.

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  8. "Paul : un droit ne se divise pas. Soit il est entier, soit il est nul"

    C'est faux. Les droits fondamentaux sont par nature limités, hors quelques droits dits "intangibles" comme le droit à la vie ou la dignité humaine. Certains n'ont pas le droit de vote (étrangers, mineurs) par exemple. Quoi que tu en dises, il y a des catégories de travailleurs qui ne bénéficient pas du droit de grève. Parles en aux militaires pour voir...
    Au passage les grèves dites "perlées" sont interdites, a fortiori pour ceux qui ne disposent pas du droit de grève.

    Si une école toute privée ou un transport privé faisait grève, hé bien j'aurais une mauvaise opinion des gestionnaires qui n'ont pas su éviter un conflit social.
    En général, les gens qui utilisent les écoles privées ou les taxis ont les moyens de faire face à un arrêt de l'activité. Ceux qui utilisent les services publics d'Etat sont embêtés lorsque ceux-ci ne fonctionnent plus : ils n'ont pas les moyens de se payer une voiture ou une école privée. C'est la raison pour laquelle ces activités sont étatisées.

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  9. J'ai la flemme de lire tous les commentaires.
    Si les grèves sont devenues très impopulaires, c'est très largement parce qu'elles défendent presque toujours le bout de gras de ceux qui la pratiquent.
    Je ne remettrai jamais en cause le droit de grève, mais je continuerai à hurler au scandale quand une poignée de citoyens font chier les autres pour qu'on ne touche pas à leurs droits.
    Je ne parle pas de la grève actuelle, mais je suppose que ton billet parle des grèves en général.

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  10. @ Xerbias : le poids de mai 68 est indéniable dans la défaite de De Gaulle en 1969. Nier le mouvement de 1995 concernant la défaite de Chirac en 1997 me semble assez osé, mais si cela vous rassure...

    Concernant le vote, je vote aussi, mais l'Etat est mon employeur, je vous le rappelle. D'autre part, je ne prétends absolument pas que Sarkozy sera battu en 2012, mais je le souhaite avec ferveur par contre.

    Franchement, si j'arrivais à rendre minable la vie de mes concitoyens, je ne ferais pas ce genre de billet. Enfin, si j'ai un tel pouvoir, j'en suis franchement heureux quoique totalement inconscient.

    Je vous donnais enfin un exemple de grève du privé qui peut ennuyer tout le monde. Personnellement, quand je fais grève, je ne vais pas travailler et je vais en manif. Cependant, il est nécessaire de toucher le public pour faire plier des employeurs. Et puis, soyons sérieux : il y a très peu de grèves qui ennuient vraiment les Français. La preuve : j'ai pu aller mardi à la manif en transport en commun alors que j'habite en banlieue, sans prendre la voiture... La communication domine tellement que les employeurs sont très sensibles à leur image médiatique.

    @ Paul : je te signale que je dénonçais les personnes qui veulent supprimer le droit de grève, le supprimant totalement puisque le privé français ne peut pas faire grève sans prendre de grands risques. De fait, dans le privé, le droit de grève est très difficile à mettre en oeuvre. Il est bien plus limité que tous les autres droits.

    Je te signale que l'on trouve dans notre histoire de nombreux cas de militaires qui ont levé la crosse et se sont mis en grève.

    Je ne comprends pas pourquoi tu estimes que lorsqu'un salarié du privé fait grève, c'est que son employeur est un mauvais gestionnaire, mais que lorsqu'un employé du public fait grève, c'est que lui est un marxisto-conservateur qui fait de la politique.

    Je corrige enfin un dernier point : l'école a été étatisé, en France, pour implanter la République et casser l'influence de l'Eglise. Les transports ferroviaires l'ont été parce que le privé faisait faillite parce que l'entretien de l'infrastructure coûtait bien plus cher que les profits qu'on pouvait en tirer.

    @ Manuel : un droit s'use que si l'on ne s'en sert pas. Je trouve toujours dommage que quelqu'un comme toi, qui a une réelle conscience politique, soit à ce point pris dans l'idée que s'opposer à son employeur est inacceptable. Quant à ton histoire de poignée, c'est faux : mardi, il y avait 2,7 millions de personnes dans la rue, soit sans doute le double de grévistes. Ce n'était pas une poignée de personnes.

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  11. "Je vous donnais enfin un exemple de grève du privé qui peut ennuyer tout le monde. Personnellement, quand je fais grève, je ne vais pas travailler et je vais en manif. Cependant, il est nécessaire de toucher le public pour faire plier des employeurs."

    Mais pas du tout ! Laissez le tranquille !
    L'histoire des camions qui bloquent n'a rien à voir avec une grève. Des routiers qui font grève ne montent pas dans leur camion, et les clients vont voir ailleurs pour faire transporter leurs marchandises, ce qui génère des pertes pour le patron. Bloquer les routes c'est faire perdre à autrui la liberté de se déplacer, ça n'a rien à voir avec une grève, et ça devrait être interdit si jamais cela ne l'était pas déjà.

    "Franchement, si j'arrivais à rendre minable la vie de mes concitoyens, je ne ferais pas ce genre de billet. Enfin, si j'ai un tel pouvoir, j'en suis franchement heureux quoique totalement inconscient."
    Vous, peut-être pas, même si vous le souhaitez ardamment. A partir de la 6ème, les enfants s'autogèrent lors des multiples absences des profs, le programme n'est jamais bouclé, mais ce n'est pas comme si quelqu'un se souciait encore que les élèves apprennent des choses au collège ou au lycée. Pour les agents de la RATP et de la SNCF (et les contrôleurs aériens pendant qu'on y est), il est avéré qu'ils rendent minable la vie des gens. Vous pouvez plaisemment penser que, puisque vous cela vous gène peu, ce doit être le cas de tout le monde. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

    Par exemple, à chaque grève, le RER B s'arrête tout simplement de fonctionner. Comment font ce qui n'ont pas de voiture pour aller à leur travail ? Les interconnexions à la Défense et à la gare du Nord sautent au moindre pépin, à plus forte raison en cas de grève. Comment font ceux qui ont déjà des journées surchargées en temps normal quand elles doivent perdre une heure à l'aller et autant au retour en plus pour arriver à bon port ? Evidemment, en tant que gréviste, vous pouvez vous permettre de perdre du temps dans ce genre de choses. Mais pour ceux qui travaillent, c'est à chaque fois un calvaire.

    Et ce n'est pas comme si ça arrivait une fois tous les dix ans, cela arrive plusieurs fois par an, pour les prétextes les plus divers (réforme quelconque, déclaration d'un politicien, grève préventive, changements d'horaire, noël qui approche...). Oui, c'est bien un drame pour les usagers. Le service public n'est tout simplement pas assuré, il est sacrifié sur l'autel des égoïsmes les plus forcenés. Je trouve cela dommage que vous n'arriviez même pas à reconnaître cela.

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  12. @ Xerbias : tiens, vous ne m'avez pas rendu responsable du réchauffement climatique et de la crise bancaire. Et, tenez, je crois que j'ai dû croiser Patrice de Maistre il y a peu. Et puis, bien sûr, en tant que bon gauchiste-marxisto-réactionnaire, mes élèves, je m'en fous, hein ? Rien à faire, rien du tout... En plus, j'en mange un de temps en temps.

    Sur les grèves des routiers, je suppose que c'est en effet interdit, ce qui n'est pas le cas des autres grèves dont nous parlons ici.

    Si je vous disais, cher Xerbias, que les fonctionnaires défendent l'intérêt général, vous n'y croiriez pas et me diriez que c'est faux. Si je vous dis que nous défendons nos intérêts, vous trouvez ça scandaleux. En clair, vous attendez des fonctionnaires la soumission, comme elle existe maintenant chez les salariés du privé. Je confirme mon billet : pour vous, la grève, c'est non, parce que cela vous dérange.

    Votre dernier commentaire est profondément individualiste : "du moment que je peux vivre ma vie comme je l'entends, tout va bien, mais si vous me gênez, attention à vous." Ce n'est pas ma vision. J'accepte qu'on me gène parfois, même beaucoup (car je suis un usager régulier des transports parisiens) mais je demande qu'on me respecte lorsque j'agis en respectant les lois, ce que je fais scrupuleusement. Quand je me suis retrouvé dans Paris par les agriculteurs il y a quelques mois, je n'ai pas fait de billet pour dire "les agriculteurs sont scandaleux parce que j'ai perdu une heure de mon temps pour sortir de Paris". J'ai pris mon mal en patience. Après, on peut discuter de la motivation de leur action et la critiquer, mais leur interdire, ça, non.

    Je comprends entièrement que les grèves de transport gênent beaucoup de gens. Cependant, et ce fut encore le cas mardi, les sondages montraient qu'une large majorité de Français soutenait le mouvement (il ne me semble pas que la région parisienne ait été en retrait sur ce point). Cela joue aussi et peut expliquer comment un conflit évolue, côté employeur comme côté salarié.

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  13. Mathieu, je parlais de la grève en général, pas de l'actuelle.
    Quand à l'opposition à l'employeur... Je n'en parle absolument pas dans mon commentaire...
    Je pense que tu as mal compris ce que j'ai écrit.

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  14. "Et puis, bien sûr, en tant que bon gauchiste-marxisto-réactionnaire, mes élèves, je m'en fous, hein ?"
    En l'occurrence, à moins que vous ne récupéreriez les cours manqués par des heures supplémentaires, ce qui est possible, mais que j'ignore, la réponse est oui.

    Du reste, je ne parle pas de mon propre cas dans mon commentaire, mais celui de la population dans sa globalité.

    "Si je vous disais, cher Xerbias, que les fonctionnaires défendent l'intérêt général, vous n'y croiriez pas et me diriez que c'est faux. Si je vous dis que nous défendons nos intérêts, vous trouvez ça scandaleux."
    Tout à fait. Bizarrement, je suis désemparé parce que je croyais que les valeurs de la gauche c'était justement la défense de l'intérêt général face aux intérêts particuliers, et la protection des plus faibles. Ces histoires de grèves dans le service public, c'est exactement l'inverse.

    Je croyais également que la démocratie était importante. Le pays doit être gouverné en fonction des résultats des élections nationales, non pas en fonction de sondages passagers ou bien du nombre de manifestants dans la rue.

    Quand les agents de certains services publics font grève régulièrement, avec des gouvernements de gauche ou de droite qui se succèdent, je ne me pose plus la question de savoir si c'est la faute de ces dirigeants temporaires. La constante, ce sont les grévistes.

    La grève est légale, certes, mais j'essaie de vous montrer pourquoi il faut arrêter toute cette déraison.

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  15. @ Mathieu:
    Salut camarade,
    je lis depuis deux jours les commentaires de ce billet. Bien que certaines remarques soient d'une logique profondément ancrée à droite et motivent très certainement ton exaspération, tu y as répondu en exposant ton point de vue de la manière la plus claire possible.

    Même l'individualiste le plus obtus- qui considère que l'intérêt général consiste à ne pas chambouler ses petites habitudes, qui nie que les désagréments qui peuvent subvenir sur un dix ou douze trajets professionnels dans l'année passent après l'avenir des prochaines générations- ne peut que comprendre que c'est aussi pour ça que vous vous battez et perdez des jours de paie.

    Je pense donc que tu peux te permettre de laisser parler ce qui ressemble fort à un troll, ceux qui ne sont pas irrémédiablement bouchés t'auront compris, pour les autres c'est juste de la provoc'.

    Ciao l'ami.

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  16. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  17. @xerbias :
    "Et puis, bien sûr, en tant que bon gauchiste-marxisto-réactionnaire, mes élèves, je m'en fous, hein ?"
    Perso, lorsqu'un parent d'élève OSE me dire ça, je lui réponds : "je viens de donner 120 euros pour l'avenir de votre enfant. Et vous, vous avez fait quoi pour lui aujourd'hui?" Parce que mine de rien chaque fois qu'un prof est en grève c'est
    - soit pour que les élèves soient moins nombreux par classe,
    - soit pour que les écoles-donc les élèves-aient plus d'argent donc du meilleur matériel,
    - soit contre des réformes qui les poussent vers des voies de garage ou vers la déscolarisation,
    - soit pour leur retraite-parce qu'un jour eux aussi seront des salariés (pas avant leurs 25 ans s'ils ont pu suivre de longues études).

    Alors considérant tout ça, est ce que franchement je méprise mes élèves et leurs parents ? je ne crois pas non !
    Enfin, je pourrais d'ailleurs te répondre la même chose : défendre tes conditions de vie, ta retraite, l'avenir éducatif de tes enfants me coûte 120 euros par jour de grève. Merci d'y penser 2 secondes la prochaine fois que ta vie aura été améliorée par ces grévistes individualistes !

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  18. "Alors considérant tout ça, est ce que franchement je méprise mes élèves et leurs parents ?"

    Malheureusement, dans les faits, oui, même si je ne doute pas de votre sincérité.

    Vous pronez une logique qui vise à sacrifier les plus faibles (les élèves, ceux qui habitent loin de leur lieu de travail) pour faire leur "bien" malgré eux. Comment s'étonner dès lors que des mots tels que "gauchiste-marxisto-réactionnaire" ressurgissent ?

    Défendre le service public en ne l'assurant pas est une contradiction dans les termes. Personnellement, je ne demande à personne de faire une croix sur 120 euros, je demande juste que les agents du service public fasse le travail pour lequel ils ont été embauchés, parce qu'on en a justement besoin.

    Pour améliorer nos conditions de vie et celles des prochaines générations, il y a les élections.

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  19. Pas la motivation de suivre tout ce débat qui m'a l'air d'un dialogue de sourds. Je réponds à tes remarques.
    Oui, il y a un problème en France dans le privé, le syndicalisme est pourri. Beaucoup dans le public se sentent obligés de faire grève pour les autres, c'est vrai.

    Mais on est tellement habitués à ce que les services de transport public fassent grève pour défendre leurs petites prérogatives que l'on ne prend plus au sérieux ces "mouvements sociaux".
    A Marseille, la CGT a coulé le port de commerce avec les vols et les grèves. La RTM a fait perdre des millions aux commerces du centre-ville. Les éboueurs ont provoqué des situations d'insalubrité catastrophiques obligeant à faire intervenir l'armée. Ces gens-là sont les ennemis du service public, et décrédibilisent les politiques de gauche qui s'y associent bêtement.

    Bref, je pense que ces abus lassent les français, et que ces journées de grève sans motif précis à part emmerder les français et le gouvernement ont un effet plutôt négatif vis-à-vis des positions qu'elles défendent.

    (Pour les militaires, ceux qui s'amuseraient à faire grève risquent des sanctions très dures, parce qu'ils n'en ont pas le droit. Alors que les autres ne risquent qu'une retenue sur salaire.)

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  20. @ Manuel : ok, j'ai dû m'emporter trop vite, excuse-moi.

    @ Xerbias : je pense que nous sommes, dans ce dialogue, tous les deux dans une posture, et je vais donc essayer de le faire évoluer positivement.

    Il est très difficile de rattraper une journée de cours, même si on le voudrait. D'abord, les élèves ne veulent pas venir. Ensuite, encore faut-il pouvoir trouver des heures disponibles, ce qui est loin d'être évident. Enfin, est-il normal de faire un travail pour lequel on n'est pas payé ? Grosse question.

    Je l'ai fait, personnellement, lors des grèves de 2003, durant lequel j'ai fait cours gratuitement en me déclarant gréviste. Cependant, je ne le referai pas, tout simplement parce que, dans cette configuration, nous ne sommes pas couverts par l'employeur en cas d'accident du travail ou d'accident d'un élève. L'Etat considère en effet que si nous sommes en grève, c'est que nous ne sommes pas au boulot...

    Sur la démocratie, il me semble bien illusoire d'espérer cantonner l'expression populaire tous les cinq ans et de laisser les gouvernants faire ce qu'ils veulent pendant ce temps. De plus, il est bon que les citoyens puissent librement s'exprimer dans le respect de la loi. Après, vous le savez très bien, le résultat des grèves dépend de nombreux facteurs.

    Sur les grèves sous tous les gouvernements, heureusement encore. En 1936, c'était contre la gauche, et ce fut positif. En 1968, contre la droite... Finalement, c'est plutôt une preuve de l'indépendance des syndicats. Par contre, n'ayant connu que la droite depuis que je suis fonctionnaire, je ne peux pas dire ce qu'il se passerait en cas de retour du PS aux affaires.

    @ Seco : merci pour tous ces compliments.

    Sans vouloir le défendre, Xerbias tient pourtant un blog, certes de droite, mais tout de même intéressant. Je le répète, on est ici dans une posture.

    @ Nath : il s'avère que, souvent, nos intérêts collent avec ceux des élèves. Cependant, reconnaissons-le, ce n'est pas toujours le cas.

    @ Paul : ne t'inquiètes pas, le syndicalisme a bien des problèmes aussi dans le public. Personnellement, j'aurai un énorme programme de réforme à proposer aussi dans ce domaine...

    La grève du 7 avait de vrais motifs, et je ne comparerai quand même pas cet appel avec ceux de la CGT-dockers de Marseille.

    Sur l'armée, je sais bien que c'est un crime, mais je te démontrais ainsi que même malgré cette crainte, des militaires prirent dans le passé cette responsabilité.

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