dimanche 7 février 2010

"Si les profs de Vitry étaient des Contis" ?

En me remettant sur internet ce soir, j'ai découvert ce billet de Philippe Bilger. J'aime bien lire les blogs sur la justice ou sur le droit, comme ceux d'Eolas, de Jules voire de Rubin (qui n'est pas qu'un blog de droit, mais ses articles sur le sujet sont intéressants).

Aujourd'hui, Bilger traite du même sujet que j'abordais hier, c'est-à-dire le droit de retrait exercé par les collègues se trouvant en position difficile au niveau de la sécurité. Prenant prétexte de ce sujet, il se lance dans une diatribe contre les salariés de Continental, qui ont mené plusieurs actions violentes l'an dernier pour essayer de sauver leurs emplois. L'article se finit par une couronne de louanges à l'égard des enseignants qui respectent le droit, et une critique acerbe de nos autorités qui n'écoutent pas ces bons enseignants pendant que les Contis ressortent sans sanction de leurs actions violentes.

J'ai éprouvé un certain malaise à la lecture de ce billet, pour plusieurs raisons. Comme d'autres, je n'ai pas été particulièrement choqué par la violence des Contis (ils n'ont fait que des dégâts matériels après tout), même si je n'aime pas la violence. Il s'agissait d'une réaction devant un comportement tout aussi brutal d'une entreprise à l'égard de salariés qui, en plus, avaient pris des engagements particuliers à son égard. Ces salariés ont perdu leur emploi, sans aucune chance d'en retrouver un autre dans ce coin-là. Certes, la violence de Continental n'a pas été matérielle, mais elle a été morale et sociale. Suis-je en train de te dire, cher lecteur, qu'il ne fallait pas condamner les Contis ? Pas du tout, mais le tribunal se devait de prendre en compte les spécificités de l'affaire. De plus, si la justice s'était amusée à condamner très durement les Contis, après que l'État ait laissé l'entreprise s'en tirer sans aucune conséquence, l'interprétation n'aurait pas été très positive et l'État aurait été accusé de casser les syndicalistes, plutôt que de condamner seulement quelques personnes désespérées ayant perdu leurs nerfs..

Certes, en comparaison, les profs sont très sages et respectent globalement les lois sur les conflits sociaux. Il est très rare qu'un enseignant se retrouve poursuivi, et les manifestations sont souvent des randonnées à travers Paris. De plus, les profs n'ont jamais utilisé les labos de physique-chimie pour préparer des bombes, et ne saccagent pas les préfectures et les rectorats.

Cependant, en ce moment, la souffrance au travail est réelle chez nous, et elle pourrait aboutir à des violences, surtout vu les réactions parfois déplorables d'une hiérarchie sans aucune marge de manœuvre. Cette violence ne surgit pourtant pas, pour une raison à mon avis très simple, que M. Bilger semble avoir oubliée : les profs, pour le moment, ne perdent pas leur travail, et si l'État est en ce moment en train de sabrer les emplois, il ne le fait qu'à partir des départs en retraite. Alors, nous faisons grève et nous sommes gentils, mais tout cela vient bel et bien de la sécurité de l'emploi.

Que se passerait-il si on nous licenciait ? Qui sait... Les labos de physique-chimie sont bien remplis...

3 commentaires:

  1. Tu n aimes pas la violence, ecris-tu, mais tu n'es pas choqué par la violence des contis, c'est assez paradoxal !
    Et que je sache, l'entreprise a peut etre été brutale ds ses licenciements et sa com mais nullement violente avec ces gars. Non désolé, le saccage d cette sous pref, bien médiatisé, est scandaleux . Quel bel exemple de lutte syndicale...
    cdlt,

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  2. @ Corto74 : j'estime que la violence est à proscrire, mais je comprends que des hommes violentés réagissent de manière violente. Je ne le ferai pas à leur place, en tout cas, je crois.

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  3. @Matthieu L: même malaise.

    /corto74 et quanti
    Reprenons.
    C'est parti:

    Hein!!! Nullement violente avec ces ces gars!!! Si les Contis ont été un peu extrêmes dans leur actions, , cette entreprise s'est littéralement foutue d'eux!! Alors que les Contis ont accepté de très gros sacrifices pour conserver leurs emplois, cette dernière a mis la clef sous la porte!!
    De nombreuses entreprises ont profité de la crise pour casser l'emploi. L'ignorez-vous? Ou faites-vous semblant de l'ignorer? Et dans les deux cas, comment cela se fait-il? Avez-vous quelque intérêt par là? Où bien est-ce seulement votre bêtise!!!
    Il y a des boussoles qui me paraissent avoir besoin d'un sacré coup de dégripant.
    Ce qui me désole c'est qu'on réduit de plus en plus les espaces de contestation, en acculant les contestaires sur des positions intenables, pour les criminaliser ensuite. Ca s'appelle pousser l'autre à la faute pour agir en douce en toute impunité. Et ça marche!!!! Parce qu'il se trouve toujours un égaré pour dire oh là là, y sont pas gentils les contis, bouh pas beau vilain.
    C'est Continental qui donne des coups de couteau dans le contrat, et ce sont les contis qui se retrouvent au tribunal.
    Cherchez l'erreur.

    Quant aux profs de Vitry, on conteste aux profs leur droit de retrait. Message? S'agit-il ne nous dresser? De dresser la société contre nous? De nous mettre au pas? De nier purement et simplement nos marges de contestations? On peut crever c'est ça? Travailler même dans une violence qui nous déborde faute de moyens? Et nos élèves?
    On a raison de se révolter. On a raison de le faire avec nos outils: droit de grève, manifestations, droit de retrait, vote...Mais si on nous accule nous aussi?
    Et on parle de licenciement?
    Allez, faites tourner la vaseline, parce que oh là là non non non, se défendre c'est pas bien.
    Souhaitons que les régionales soient le début d'un changement de rapport de force.

    Mon analyse: moins on se sert de ses droits et plus on laisse au gouvernement toute latitude.
    Plus on montre du doigt ceux qui se révoltent et plus on fait leur jeu: briser toute tentative de contestation.
    Soyons SO-LI-DAI-RES.
    Ah c'est pas bien ce qu'ont fait les Contis?
    Ce qui n'est pas bien c'est de les avoir acculés à ça. Pour mieux les saborder ensuite, rajoutant une injustice supplémentaire à la première.
    Ecoeurement total!!

    On nous culpabilise au Nom du Tabou de la violence!!! Mais il semblerait que certains aient quelque difficulté à identifier Où sont les Vraies Transgressions et d'Où elles viennent. Deux poids deux mesures.
    Faites tourner la vaseline.

    Je pense à Nouhredine, un ouvrier d'ERDF GRDF, qui a engagé une grève de la faim à Noël. Pour éviter de casser des meubles probablement, s'en est pris à son propre corps. Il a craqué le pauvre, a été contraint de se réalimenter au bout de trois jours. Que signifie cette société où vous êtes à ce point acculés?
    J'en suis malade!!!
    On est responsable de ça, nous qui dénonçons les victimes plutôt que d'identifier les coupables,
    lesquels ont beau jeu les petits malins, de se faire passer pour des victimes, les lâches!!!
    Mais faites tourner la vaseline.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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