Cependant, les deux logiques diffèrent considérablement. Dans le deuxième cas, des blogueurs se rendent de manière individuelle dans une réunion, y participent éventuellement et en font des papiers. Ils y mettent aussi leurs touches personnelles, bien sûr, et donnent leurs opinions, mais ils n'engagent qu'eux. Dans le premier cas, les blogueurs sont réunis dans une structure qui leur donnent des moyens. Ils ne sont pas encore salariés, mais à terme, on peut supposer qu'il s'agit bien d'une évolution probable, puisque Google est derrière. Là, ils ont simplement dû payer 100 $ pour passer la semaine dans ce centre d'accueil, et se payer évidemment le billet d'avion pour se rendre à Denver.
- Tout d'abord, il appuie sur la crédibilité des blogs politiques et la nécessité du retour à une certaine forme de sérieux et à un recentrage sur le sujet uniquement politique. Je dois te dire, cher lecteur, qu'étant moi-même un habitué des billets qui dérapent un peu sur des sujets légers, tout en faisant quand même de la politique, bien sûr, je pense au contraire que cela est totalement nécessaire. Le journaliste n'a pas besoin de parler de lui, car en réalité, il ne parle pas en son nom, mais au nom du média qui l'emploie. Quand on lit un article du Figaro ou de Libération, on connaît l'orientation politique de l'auteur, non pas parce qu'il nous l'a dit, mais parce qu'il bosse dans ce journal. Le journaliste est soutenu par le média et la mise en avant de son individualité n'a plus aucun intérêt, sauf pour les éditoriaux. Nous, les blogueurs, n'avons comme solution pour attirer le lecteur que de créer un lien plus que simplement politique, car notre démarche est purement individualiste et sans soutien extérieur. Nous nous sommes lancés dans le blogage uniquement par choix individuel et par ego, ou bien pour régler certaines névroses. Le lecteur doit donc ressentir une certaine empathie avec nous pour pouvoir nous lire.
- Luc Mandret a cependant senti ce défaut, et propose ensuite la définition de règles communes à tous les blogueurs politiques. Il souhaite la création d'une espèce d'organisme certificateur des blogs (cela ressemble furieusement aux organismes certificateurs du monde paysan actuel), mais qui ne soit pas une entreprise qui rémunère les auteurs. Pourquoi pas ? Je crains qu'on y perde l'un des avantages fondamentaux d'internet qui est la totale liberté des auteurs. Nous sommes déjà encadrés par les possibilités de nos plates-formes de blogs de toute façon. En plus, lorsqu'on écrit un truc vraiment énorme, les commentateurs n'hésitent pas à nous remettre à notre place. La création d'un organisme centralisateur me semble donc dangereuse. Je suppose que Luc pensait à Google ici, mais là encore, je ne crois en rien à l'altruisme de la grande firme américaine. Il y a là-dedans des histoires de gros sous qui dépassent largement les blogueurs, et sur lesquelles nous devons bien nous pencher avant de prendre un quelconque engagement.
- Enfin, Luc Mandret nous propose une union des blogueurs réellement puissante, au-delà des clivages politiques. Là encore, il faut en discuter l'objectif. S'il s'agit simplement d'un nouveau type de lobbying, pourquoi pas ? Par contre, il ne faudrait pas que ce groupe se transforme progressivement en un censeur beaucoup plus dangereux pour les auteurs.
Au total, Luc Mandret espérerait, si je ne me trompe pas dans l'analyse de son billet, ériger les blogs en nouveau pouvoir pour corriger les problèmes que connaissent les grands médias institutionnels. Pour cela, il faut faire des blogs des moyens d'information, et non pas des simples tribunes de positionnement politique. En effet, les blogueurs n'ont pas les moyens de faire le travail des journalistes, parce que ceux-ci sont payés pour le faire et ont les moyens financiers de leurs médias respectifs, alors que le blogueur n'a que son temps libre et sa bonne volonté. On serait obligé de mener une professionnalisation des blogueurs, qui toucherait sans doute les premiers des classements de blogs, et qui les obligerait à abandonner leurs carrières professionnelles. On aboutirait à une élite des blogs, qui, comme toute élite, finirait par en avoir les travers, et, d'un autre côté, aux autres blogueurs qui font cela par loisir et qui seraient noyés progressivement.
En menant ce type d'évolution, on perdrait une chose qui fait la force du blog, c'est-à-dire sa gratuité. Authueil avait mené une réflexion là-dessus il y a peu, et j'y souscris assez. Le blog n'a d'intérêt que parce qu'il est libre et gratuit, et que son auteur est tout aussi libre et gratuit et mène sa barque pour faire un blog qui lui corresponde. Pour devenir un cinquième pouvoir, les blogs risquent aussi d'y perdre ce qui fait leur intérêt.