jeudi 31 juillet 2008

Guy Sorman, ou comment on assène des vérités sans les démontrer...

Etant un lecteur régulier de blogs libéraux divers et variés, j'ai été attiré hier par une émission de France Inter qui accueillait Guy Sorman, intellectuel libéral qui venait nous présenter ses idées. Un blogueur, avec qui j'ai l'habitude de discuter, le cite souvent comme une référence. Elle permet de faire un point sur l'endroit où sont arrivés les libéraux français. Je te mets ici le lien vers cette émission.


Une partie de ce programme a été consacrée à la question de savoir si l'économie était une science ou pas. Sorman a répondu par la pédagogie de l'exemple, du type "on sait ce qui marche ou pas", considérant que les théories socialistes, en général, ne marchent pas. Passé ce cap, le journaliste lui a demandé de donner des exemples de choses acceptées par tous les économistes. Sorman cite la monnaie stable ou encore les bénéfices du libre-échange pour le développement et l'enrichissement des peuples.


Cela tombe bien, cher lecteur, car en ce moment, je suis en train de réactualiser mon cours de terminale générale sur la mondialisation. Je lis actuellement la somme de Laurent Carroué, Géographie de la mondialisation, qu'il vient de republier en 2007 chez Armand Colin. Cet ouvrage est régulièrement cité dans les bibliographies de géographe et est donc reconnu comme une somme de référence sur la question. Je vais me permettre ici de reproduire une partie de cet ouvrage, sans l'accord de l'auteur, mais parce que j'estime qu'il s'agit d'un raisonnement scientifique autrement plus intéressant que les affirmations sans justification de Guy Sorman sur cette question :


" Jamais notre planète n'a été aussi riche : ces cinquante dernières années, le PIB mondial passe de 3000 à 33000 milliards de dollars alors que le PIB mondial/habitant quintuple au XXe siècle. Il double entre 1980 et 2005. Mais contrairement aux théories économiques orthodoxes affirmant la convergence des économies mondiales par le jeu du libre-échange, cette troisième mondialisation s'est accompagnée d'un creusement sans précédent des inégalités de richesses. Les écarts de revenus entre pays développés et en développement passent de 1 à 11 en 1870 à 1 à 30 en 1965 et 1 à 80 aujourd'hui. Les 20% d'habitants les plus pauvres disposent de 1,1% du PIB mondial contre 2,3% en 1960 et 40% de la population du globe vit avec moins de deux dollars apr jour alors que les pays développés accaparent 80% de la richesse mondiale avec 19% de la population.


La carte de la production de richesse par Etats, et pour les plus grands d'entre eux par régions ou Etats fédérés, est à cet égard significative des profondes inégalités de la hiérarchie contemporaine, aux échelles internationales ou nationales. Alors que l'économie canadienne est un peu supérieure au total de l'Afrique, l'économie californienne est équivalente à celle de l'Italie, celle du Texas supérieur à celle du Brésil ou de la Russie. Mais l'état brésilien de Sao Paulo dépasse à lui seul l'Afrique du Sud et le Guangdong chinois la Grèce. En Inde, en Chine, au Brésil ou aux Etats-Unis, la très grande taille de ces Etats illustrent l'importance géoéconomique progressivement acquise au cours du long processus de mondialisation par les grandes régions métropolitaines littorales, qui fonctionnent comme les espaces d'interface privilégiés entre échelles mondiales, nationales et régionales. [...]


A la concentration géographique des richesses répond une extraordinaire polarisation sociale au profit des classes dominantes et oligarchies : la valeur cumulée du patrimoine des 200 personnes les plus riches double entre 1994 et 1998, d'après la Cnuced et seulement 3% des foyers mondiaux détiennent 70% de la richesse mondiale selon le Boston Consulting Group. Ces inégalités de revenus et de patrimoines renforcent les inégalités sociales puisque les 20% des habitants les plus riches consomment 45% de la viande, 58% de l'énergie, possèdent 87% des véhicules et 74% des lignes téléphoniques mondiales alors que la moitié de l'humanité n'a pas les moyens de se nourrir, s'instruire, se soigner ou se loger.


Cette explosion des inégalités sociales internes, déjà vives dans les pays hautement développés depuis la fin des années 1980, est encore plus sensible dans les pays du Sud en rattrapage comme l'Inde, dont 80% de la population vit avec moins de deux dollars par jour, le Brésil ou la Chine du fait de la faiblesse des politiques publiques redistributives. Le différentiel est de 1 à 85 au Brésil entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres et il passe de 1 à 6 en Chine en 1983 à 1 à 18 en 2006, soit au niveau d'inégalités internes équivalant aux États-Unis. Dans ce contexte, la question de l'affirmation, de la promotion et de la défense de droits universels - politiques, sociaux, économiques et environnementaux - associée à des stratégies de réduction des inégalités infra-nationales et mondiales constitue un enjeu d'avenir essentiel."


Voilà donc la conclusion de Carroué : la mondialisation produit bien des richesses, mais seulement pour certains territoires et pour certains habitants de ces territoires.


J'entends déjà les critiques des blogueurs libéraux disant que Carroué peut raconter des conneries pour vendre ses idées. Il n'en est rien, car il fait partie du milieu universitaire, et s'il le faisait, il se ferait démonter rapidement par ses sympathiques collègues. Les géographes s'accordent aujourd'hui sur ces constats. Dommage que les économistes n'en soient pas encore là...

Une question de cotisations sociales...

Après de nombreuses années de militantisme, la gauche vient enfin de remporter un véritable succès. François Fillon, notre sémillant premier ministre, vient enfin d'admettre publiquement qu'une augmentation des cotisations sociales est un des seuls moyens pour permettre au système de retraite de tenir le choc. Il prévoit même une augmentation des cotisations de 0,3 à 0,4 points par an sur trois ans. Il a quasiment donné l'ordre aux partenaires sociaux d'arriver à ce système, écrasant au passage toutes les bonnes règles du paritarisme.


Et là, cher lecteur outragé, tu vas me dire qu'on enfonce encore ton pouvoir d'achat ! Mais non, rassure-toi ! Pour arriver à mener cette augmentation sans léser ton porte-monnaie, Fillon demande à ce que les cotisations-chômage soient baissées d'autant. Comment peut-il faire cela ? Eh bien, grâce à l'"amélioration apportée à la situation de l'emploi".


En clair, cela signifie que Fillon considère que le chômage va continuer à baisser, alors qu'il est dans un gouvernement qui vient d'augmenter le temps de travail, et qu'on entre en pleine récession mondiale. Même le départ en retraite des papy-boomers risque de ne pas être suffisant ! Le premier ministre propose donc de sabrer, à ce moment précis, les moyens de l'UNEDIC !


Franchement, cher lecteur, soit c'est de la vraie mauvaise foi, soit c'est de la stupidité, soit c'est de la tactique politicienne à tellement courte vue qu'on ne peut qu'en être héberlué, soit il y a un objectif derrière que personne ne voit, mais après la lecture de l'article, j'admets que je ne comprends pas. Si tu peux m'éclairer de tes lumières, j'en serai heureux.


PS : Je te signale cet article, qui m'a beaucoup touché, sur un autre thème que j'avais commencé à aborder et qu'il faut absolument que je termine, sur l'immigration. Je m'y remets bientôt, promis.

mercredi 30 juillet 2008

Les cours dangereux lorsqu'on enseigne l'histoire en banlieue : l'islamisme en terminale générale.

Vu la vacuité de l'actualité politique de cette belle journée de juillet, j'avais du mal à trouver un thème susceptible de m'intéresser suffisamment pour en faire un article. D'ailleurs, cela se voit chez les autres blogueurs : certains se passionnent pour les classements wikio ou diffusent des recettes de cuisine, d'autres parlent du seul sujet qui m'intéressait un peu aujourd'hui (la volonté d'une partie des Wallons de se rattacher à la France), les derniers retournent vers leurs professions pour parler de sujets qui les intéressent. Quand aux autres blogueurs, ils sont apparemment en vacances, pour la plupart...


Alors, je vais suivre la voie du troisième et te parler des sujets qui nous gênent, nous autres professeurs d'histoire, quand on bosse en banlieue. Il y en a quelques-uns qui posent de réelles difficultés, à cause de ce que l'IUFM appelle les pré-acquis des élèves.


Depuis 2003, date des changements de programme, les élèves de terminale doivent étudier un thème qui s'appelle "le Nouvel ordre mondial", visant à leur faire approcher les grandes lignes de force géostratégiques de la planète depuis la disparition de l'URSS. Dans cette partie, nous devons étudier l'islamisme en tant que mouvement idéologique. Il s'agit, à mon sens, de la seule grande idéologie contemporaine que l'on étudie en terminale, à l'exception des valeurs du modèle américain et de l'idéologie soviétique (mais on ne peut pas dire qu'elle a vraiment de l'influence aujourd'hui). L'approche des programmes actuels s'appuie principalement sur les travaux de l'historien Olivier Roy, qui a théorisé l'existence de trois islamismes différents:
  • Un premier islamisme (né dès le début du XXe siècle) visait à instaurer des États appliquant la charia et un islam ancien dans les pays musulmans même, en réalisant une prise de pouvoir par la force ou par les urnes. Cette vision politique est à la base de la révolution iranienne mais aussi du F.I.S. algérien.
  • Un deuxième islamisme, postérieur, vise à intégrer dans une politique conservatrice classique des références à l'islam, comme le ferait en Europe des mouvements conservateurs chrétiens. C'est par exemple le cas de l'AKP turque.
  • Enfin, il existe un islamisme fondamentaliste qui vise les musulmans vivant en Occident, qui ne peut pas réellement espérer une prise de pouvoir (impossible en France ou aux Etats-Unis) mais qui tente de récupérer la souffrance des musulmans occidentaux pour les détacher de leurs origines nationales et de leur pays d'accueil, leur transmettre une vision de l'islam très radicale et les entraîner vers la lutte politique violente en Occident ou vers des pays où les mouvements islamistes sont forts, comme l'Irak ou l'Afghanistan, pour faire la guerre. Oussama Ben Laden est un des concepteurs de cette vision.

Lorsque le thème est abordé en classe, les élèves musulmans réagissent toujours avec une certaine ironie. Pour eux, mon discours est celui de la République, et est donc forcément en rupture avec l'islam. Mais très vite, ils rentrent dans le cours et se montrent très offensifs contre le prof.

Pourquoi ? Parce que, dans leur tête, l'islamisme n'est pas une idéologie politique mais un mouvement religieux. Le fait que de nombreux islamistes utilisent la mosquée comme centre de diffusion, se servent des soutiens scolaires et citent le coran à tout bout de champ, permet de faire penser aux jeunes qu'on leur parle de religion et pas de politique. Le fait de voir le prof classer l'islamisme avec toutes les autres idéologies (libéralisme, marxisme, socialisme, social-démocratie, fascisme, nazisme, traditionalisme...) les perturbe et les choque. Là, certains commencent à se poser des questions et les autres se braquent.

Pour moi, ces scènes récurrentes montrent la force actuelle des islamistes en France. Ils ont su exploiter le sentiment de rejet que connaissent les musulmans vivant en Occident. Ils utilisent aussi les amalgames que font actuellement de nombreux adversaires de l'islamisme qui considèrent que l'islam en elle-même est responsable (Huntington a fait beaucoup de mal...). Grâce à cela, ils essaient de donner une porte de sortie aux jeunes musulmans que beaucoup empruntent, surtout ceux qui ont échoué dans le monde scolaire et qui en rendent responsables les institutions républicaines et démocratiques.

Je suis persuadé que l'on fait une erreur fondamentale. Dans toutes les religions, il y a eu des mouvements radicaux qui ont politisé leurs croyances et ont tenté de l'imposer politiquement : les catholiques radicaux longtemps attachés au Front National, les sionistes les plus extrémistes, les ultra-protestants qui entourent le président Bush... Cependant, l'islam est la seule religion que l'on rend responsable de l'existence de ses extrémismes. C'est d'une mauvaise foi sans nom ! Accuse-t-on le judaïsme, le catholicisme, le protestantisme ou l'orthodoxie d'avoir engendré leurs extrémismes ? Jamais, sauf dans les cercles les plus anti-cléricaux.

L'islamisme ne pourra être réellement combattu et vaincu que de manière politique, et uniquement sur ce terrain. Nous devons le combattre comme nous avons combattu les fascismes. Ce message s'adresse à tous : les altermondialistes ont fait beaucoup de mal aussi en accueillant Tariq Ramadan aux sommets alters. Ils lui ont permis de se rendre respectable.

Pitié, cessons de dire que l'islam est responsable de tout ! C'est le meilleur moyen de pousser les musulmans vers leurs extrémistes, et c'est, à la limite, une forme de racisme.

mardi 29 juillet 2008

Oseras-tu m'affronter en combat singulier ?

Une grosse connerie trouvée chez Abadinte. Si tu veux m'affronter en combat singulier, clique ici. J'ai fait six combats et je n'ai toujours pas compris comment cela marchait...


Si quelqu'un trouve les consignes, qu'il me l'indique rapidement.

lundi 28 juillet 2008

Un joli cadeau pour partir en vacances : ma "came".

Heureusement que je suis chez Orange et que j'ai laissé leur site en page d'accueil. Grâce à lui, nous apprenons ce soir que Carla Sarkozy a offert à tous les membres du gouvernement, réunis aujourd'hui après le dernier conseil des ministres de l'année, un exemplaire de son nouveau CD.


Déjà que nos ministres doivent subir le président bisounours, voilà qu'ils doivent en plus supporter les chansons de sa tendre épouse.


J'espère qu'équipés ainsi, ils passeront de bonnes vacances. Comme quoi, le pouvoir se mérite un peu quand même.


Prochain conseil des ministres le 21 août. Vu les derniers jours, on attend cela avec impatience...

Ce que nous révèle l'affaire Siné ?

L'affaire Siné, cher lecteur, va chaque jour de rebondissement en rebondissement. Il n'y a pas un seul intellectuel, un seul journaliste, un seul blogueur, qui n'ait tenté de se saisir à un moment ou à un autre de ce sujet. Il est vrai qu'il est suffisamment rare qu'une personne se fasse virer d'un journal pour qu'on en parle un petit peu.


Comme beaucoup de jeunes Français de gauche, j'ai été un lecteur assidu de Charlie Hebdo lorsque j'étais étudiant. A l'époque, d'ailleurs, je ne le prenais pas comme un journal réellement sérieux, malgré quelques enquêtes parfois intéressantes, mais comme un bon moment de détente et de rigolade durant lequel on lisait de grosses conneries sur nos hommes politiques favoris. Je n'ai jamais été un grand fan de Siné : il était très dur avec ses adversaires les plus honnis, que ce soit l'Etat israélien, l'Église, les patrons, la droite et certains morceaux de la gauche. Finalement, je le préférai lorsqu'il parlait de jazz, mais il était un des grands caricaturistes de Charlie, pour moi aussi important que Cavanna et Cabu. On est d'ailleurs pas obligé de tout aimer dans un journal, et heureusement encore...


Quand on revient à la phrase qui a justifié son licenciement, on voit tout de suite les problèmes qu'elle peut poser. Siné est tombé dans un travers fréquent : il a fait une blague concernant la religion de la future femme de Jean Sarkozy. De fait, il a associé argent, pouvoir et judaïsme. Siné faisait le lien entre la religion de Mme future Sarkozy et son pouvoir. Il a employé une vieille veine française et chrétienne qui tend à considérer que les juifs sont forcément riches et ont forcément du pouvoir, qu'ils exercent souvent à mauvais escient ou dans leur intérêt propre. Si cela était une provocation, elle est au moins de mauvais goût, si ce n'est plus. Ne connaissant pas Siné, je ne peux savoir s'il est réellement antisémite. Finalement, je trouve que cette histoire n'est intéressante que sur un point fondamental.


Il s'agit de la place de la religion dans la politique. En clair, est-ce qu'en tant que blogueur, je peux me permettre de critiquer une religion particulière, comme pourrait le faire un caricaturiste ? Tout d'abord, il me semble important de ne jamais s'attaquer à une religion en tant que telle, tant qu'elle ne remet pas en cause, dans ses dogmes et ses rites, les principes fondamentaux des droits de l'homme. Ce n'est pas le cas de la grande majorité des religions présente en France. Si les juifs, les chrétiens, les musulmans, les bouddhistes et les hindouistes de France ont envie de croire dans leurs religions, grand bien leur fasse. La religion peut devenir un problème lorsque un groupe religieux tente d'imposer une pratique ou un loi à cause de ses croyances, mais je suis persuadé que la démocratie empêche cela, car c'est forcément la voix de la majorité qui se dégage. Une seule limite devrait être la possibilité pour un croyant de sortir de sa religion librement sans pressions de son entourage. Depuis les affaires de sectes, tout un réseau associatif existe, soutenu par nos institutions, qui doit permettre à un citoyen sous pression de s'en dégager. Siné semble suggérer que la judaïté de la demoiselle devrait permettre une meilleure action politique. Je pense plutôt que le nom du jeune homme lui suffira amplement...


Par contre, les choses changent lorsque la religion devient un prétexte à l'action politique. J'ai pu lire sur beaucoup de blogs récents des attaques très dures contre les musulmans, accusés de ne voir la religion que comme liée avec le politique (je ne mettrai pas les liens vers ces blogs, cherchez-les vous-mêmes). En fait, toutes les religions ont été liées dans le passé avec les pouvoirs, y compris notre catholicisme national, depuis que l'empereur Constantin décida de se convertir au christianisme en 313. Il a fallu près de quatre siècles d'évolution politique, depuis le XVe siècle, pour que les pouvoirs politiques européens parviennent à couper le cordon avec la justification religieuse de leur existence.


Il faut dire que Dieu est pratique : il est tout-puissant et décide de tout. Facile ensuite à un homme ou à des courants politiques de tenter d'atteindre le pouvoir absolu en s'appuyant sur ce personnage. Aujourd'hui, de nombreux mouvements chrétiens, juifs, musulmans utilisent encore Dieu pour justifier leurs envies de dictature et de tyrannie. Dieu ne peut malheureusement tolérer la démocratie, qui implique que les hommes discutent, analysent des problèmes, s'appuient éventuellement sur des valeurs parfois d'origine religieuse, mais finissent par prendre des décisions qui peuvent parfois aller contre les valeurs de la religion. Ce sont les dictateurs en puissance qui se servent de Dieu et qui doivent être matraqués par nos hommes politiques et nos caricaturistes. Si Jean Sarkozy avait épousé une femme liée à ces mouvements extrémistes, Siné aurait pu frapper, mais ce n'est pas le cas, et il n'aurait pas dû insister sur la religion de la demoiselle, mais sur ses idées politiques.


Siné se trompait de critique, je l'espère simplement par faute ou par envie de provocation. Je ne crois pas que Jean Sarkozy soit un membre de ces sectes politiques-là. Quand on voit son texte, il aurait suffi qu'il dise que Jean épousait une riche héritière pour mettre en valeur quelque chose, d'assez drôle d'ailleurs. La religion n'avait absolument rien à y faire, et c'est tant mieux. Par contre, cette affaire révèle notre difficulté à gérer le rapport du religieux et du politique. Pour moi, soyons simplement clair : Dieu, ce tyran, n'a plus rien à faire en politique ! Soyons adultes et responsables, et gérons nos vies sans lui.

vendredi 25 juillet 2008

"Obama ? C'est mon copain."

A lire cet article du Figaro. Après le président bling-bling, après l'hyperprésident, voici le président bisounours. J'espère que l'ensemble des blogueurs z'influents se scandaliseront de ce type de phrases qui ridiculisent un peu plus chaque jour la fonction présidentielle dans notre pays...

L'armée aménage-t-elle le territoire ? Une vraie question de politique, je trouve.

Ce matin, en émergeant de ma nuit douce et réparatrice, j'ai décidé d'allumer mon poste de radio et de me brancher sur France Inter. Je tombe sur une interview d'Hervé Morin, ministre de la défense, qui défendait sa nouvelle carte militaire. Bon, je sais ce que tu vas me dire, lecteur auditeur : "quoi, tu te réveilles à 8h20 ???" Ben oui, en ce moment, je suis dans mes longues vacances de privilégié. Tu aurais plutôt dû me dire, avec un air surpris et amusé : "Oh, 8h20, mais tu étais déjà debout ?" Ah, c'est cela que tu as pensé, d'accord...


Hervé Morin fut assez attaqué par Thierry Steiner (le journaliste présent) sur les choix de la disposition des régiments. Il a répondu en disant la chose suivante : "l'armée n'a pas à assurer l'aménagement du territoire." En entendant cela, je suis tombé du lit. Immédiatement, je me suis levé, ait bousculé ma conjointe qui était en train de prendre son petit déjeuner, me suis jeté sur mon ordinateur et ai trouvé que c'était François Fillon qui avait commis cette belle idée.


Mon sang de professeur de géographie n'a fait qu'un tour. Je suis entièrement d'accord avec le fait que l'armée n'est pas faite pour faire de la redistribution de richesses et de l'aménagement du territoire, mais pour nous défendre contre des agressions extérieures. Cependant, même sans le vouloir, elle alimente des territoires. Évidemment, cela dépend de l'endroit où on se trouve. Si on retire un régiment de la région parisienne, cela ne modifiera en rien l'économie locale. Par contre, dans une ville comme Chaumont ou un village comme Sourdun (77), les impacts sont énormes. Un régiment qui s'installe marque d'abord l'activité d'une région. On mobilise des terrains souvent agricoles, on construit des routes pour faire passer le matériel, des logements pour les soldats, des équipements sur des terrains, parfois en concurrence avec des activités plus traditionnelles présentes auparavant. Souviens-toi, cher lecteur, des luttes des paysans du Larzac pour empêcher l'extension du camp militaire et conserver l'élevage de brebis.


Ensuite, la présence des militaires entraîne des créations d'emplois (restauration, loisirs, cinémas, services divers, banques, assurances, petits commerces) et oblige à l'installation de services publics (poste, réseaux de télécommunication, système éducatif...). Pour une petite ville, c'est indispensable, surtout dans l'Est où les mines et les industries ont fermé et que rien ne les a remplacées. L'armée est donc un facteur d'aménagement du territoire, et la preuve, c'est qu'Hervé Morin annonce la création d'un fond d'un milliard d'euros pour aider ces villes et villages à se relancer. Cela ressemblerait pas à de l'aménagement du territoire, ça ?


Alors, comment comprendre cette réforme de l'armée ? J'ai trouvé, sur le site du Monde, une interview du général Jean-Vincent Brisset, qui donne des explications sur la nouvelle carte, bien plus convaincante que celle de Morin, qui semblait découvrir ce matin en même temps que Steiner la localisation d'une partie des sites qu'il évoquait. La logique serait la suivante : diminuer les effectifs de l'armée de terre car on n'est plus dans un cadre de guerre en Europe mais partout dans le monde, compenser par la marine et l'armée de l'air, renvoyer les fonds dégagés par les suppressions de postes vers le matériel pour éviter qu'une grande partie des véhicules soit inutilisable comme aujourd'hui.
C'est vrai qu'on est plus au XIXe siècle. Il est peu probable que l'Allemagne nous attaque demain ou que nous ayons à préparer une guerre contre le Royaume-Uni. Par contre, l'Europe reste une zone dangereuse sur certains aspects, à l'Est en particulier. Toute l'ancienne URSS mérite que l'on s'y intéresse au plan stratégique. De même, il est bon de pouvoir se projeter efficacement à l'extérieur : quelques dictateurs africains ont toujours besoin de notre soutien. L'idée des pôles de projection est donc cohérente, même si je ne pense pas que le fait de mettre un régiment à Istres plutôt qu'à Chaumont raccourcisse le voyage vers l'Afghanistan.


Mais bon, ces arguments peuvent sembler tout à fait acceptables, mais confirment une chose simple : comme les moyens financiers sont manquants, on en récupère sur la masse salariale plutôt que de lutter contre la dette et pour une stabilisation des recettes. Comme l'Education, comme l'hôpital, comme la police, l'armée s'adapte à un budget de pénurie. Le vrai fond du problème est là. D'ailleurs, Brisset évoque bien cette question quand il dit sur ces futurs pôles; "autant les mettre là où on a des facilités préexistantes, comme les ports méditerranéens, celui de Bordeaux ou les grands terrains d'aviation comme Istres." Cela signifie aussi une seule chose : on ne construira pas mais on s'appuiera sur l'existant. Pas de relance par la construction donc...


Tout cela me surprend. La droite républicaine en France a toujours été très protectrice avec son armée, et ce même dans les phases de rigueur budgétaire. La réadaptation aurait pu se faire plus facilement avec des budgets plus importants. Au total, la grande muette paie l'incurie de la gestion des finances publiques. Là est la vraie question de politique, je trouve.

jeudi 24 juillet 2008

Les élèves de ce pays sont-ils tous productifs ?

Lorsque j'étais élève, je me disais que le lycée n'était vraiment pas quelque chose de difficile. Globalement, je ne te cacherai pas, cher lecteur, que je travaillais peu. Je passais quelques minutes, chaque soir, à réaliser les devoirs écrits que les professeurs nous réclamaient, et cela s'arrêtait là. Lorsqu'un contrôle d'une matière qui me plaisait arrivait, je ne révisais quasiment pas, et je le disais d'ailleurs à mes petits camarades, qui me regardaient comme un OVNI. J'avais, en général, des notes tout à fait convenables. Mon comportement ne variait pas dans les matières que je n'aimais pas, mais là, je réussissais simplement moins bien, et mes notes étaient moyennes.


Cette facilité dans l'apprentissage était quelque chose que j'appréhendais assez mal. Il me suffisait d'écouter le professeur pour retenir déjà une grande partie de la leçon, surtout en histoire-géographie et en SVT, qui étaient, à l'époque, mes deux matières de prédilection. En ce temps-là, j'entendais mes professeurs, armés de toute la bonne volonté du monde, dire à mes petits camarades en difficulté, qu'il fallait qu'ils travaillent plus et qu'ils réussiraient. Moi, pendant ce temps, je sortais du lycée et allait me consacrer aux activités de l'adolescent lambda, mais assez peu au boulot.


A cette période, ma politisation commençait à poindre, et j'avais construit le raisonnement suivant : pour moi, les professeurs mentaient. Ils essayaient simplement de cacher à mes camarades en difficulté des inégalités flagrantes entre les gens, que je constatais par ailleurs. Personnellement, j'étais pote avec des garçons comme moi (dont deux commentent assidûment ici, et je les en remercie), qui ne passaient pas leurs vies à bosser, mais qui s'en sortaient sans trop de mal. Or, mes camarades en difficulté, eux, travaillaient comme des bûcherons, parfois des soirées entières, et ne récoltaient que des notes misérables, pendant que moi, qui avait passé la soirée d'avant le contrôle à sortir, avec mes potes ou à regarder la TV, j'avais une bonne note. Mes professeurs, pensais-je, espéraient protéger les élèves, mais ils les rendaient hargneux. Ceux-ci pensaient avoir bien travaillé, et se prenaient une claque. Et moi, pendant ce temps-là, je regardais, assez étonné, mon 14/20.


Cette situation s'est poursuivie à la fac. Globalement, je n'ai vraiment commencé à bosser dur qu'en maîtrise. Devenu professeur, je me suis dit qu'il allait donc falloir tenter de comprendre ces inégalités peu abordées avec les adultes quand j'étais élève, pour essayer de les surmonter et de trouver les clés pour aider mes futurs élèves.


Commençant à travailler, j'ai pu constater trois choses :
  • Le discours "si tu travailles, tu vas réussir" avait toujours une réalité dans les explications d'une partie de mes collègues. Contrairement à ce que je croyais étant ado, beaucoup pensent que c'est totalement vrai.
  • Les élèves y croient toujours, malgré l'évidence que cela ne marche pas pour beaucoup d'entre eux. Les décrocheurs sont d'ailleurs souvent des gamins qui ont arrêté de bosser parce que cela ne marchait pas, mais qui se flagellent en se disant que s'ils avaient travaillé, ils y arriveraient.
  • Ces inégalités de productivité ne sont pas gérés, aujourd'hui, par le système éducatif.

En effet, il s'agit bien d'inégalité de productivité. Tout élève, à qualification égale, n'a pas les mêmes résultats, et n'a pas le même besoin en temps de travail. Je suis sûr, cher lecteur, que tu retrouves cela dans ton travail ou chez tes proches : certains semblent réussir sans trop se fouler, d'autres se battent terriblement pour faire un travail que tu ferais en dix minutes, et quelques-uns n'y arriveront jamais, même si tu leur donnes la nuit entière.

L'Education nationale est construite sur l'idée que tous les citoyens sont égaux, mais que quelques facteurs font chuter certains élèves, comme l'appartenance à la population pauvre ou à l'immigration. L'idée est qu'en traitant tous les enfants de la même façon, tous y arriveront, et il faudra juste ajouter des aides pour les lâchés. En faisant cela, on ignore le problème de la productivité, pourtant fondamental chez chacun d'entre nous.

Personnellement, je ne dis jamais à un élève qu'il réussira s'il travaille. Je lui dis qu'il faut qu'il réfléchisse sur lui-même pour comprendre pourquoi il n'y arrive pas. Éventuellement, je me propose de l'aider à analyser sa pratique ou je l'aiguille vers des acteurs qui pourront l'y mener. En effet, le discours traditionnel amène certains gamins à considérer qu'il suffit de travailler pour y arriver, et que cela justifie les inégalités de réussite, et ensuite les inégalités de richesse chez les adultes. Ils ont été très réceptifs au discours de Sarkozy (le travailler plus pour gagner plus) parce que c'est ce que les enseignants leur répètent tous les jours. Or, je reste persuadé que l'un des facteurs n'est pas la quantité de travail fournie, mais la qualité de ce travail, soit la productivité de l'élève.

C'est un champ encore assez inexploré, mais il serait bon que la recherche se demande pourquoi certains humains parviennent à travailler vite et bien, d'autres à faire des choses biens mais en beaucoup plus de temps, et les derniers n'y arrivent pas. Là se trouve, à mon avis, l'une des clefs pour tenter d'affronter la redoutable question de l'échec scolaire.

PS : tu auras remarqué que j'ai dit plus haut que les enseignants tenaient tous les jours à leurs élèves le discours de Sarkozy. En fait, c'est Sarkozy qui tient tous les jours le discours que les profs assènent aux Français depuis 1881. Peut-être beaucoup de nos concitoyens se rappellent leur enfance en regardant notre cher président...

mercredi 23 juillet 2008

L'Etat doit la transparence aux citoyens, et à tous les niveaux !

Depuis que je suis enseignant et que je suis affecté dans mon lycée dit difficile, on me tient en général deux discours. Le premier est un discours plaintif : "Oh, mon pauvre ami, tu travailles à cet endroit-là ? Les élèves doivent être terribles. Tu tiens le coup ?" Le second est un discours agressif : "Ah, toi, tu es un privilégié ! T'as plein de vacances, et en plus, tu gagnes super bien ta vie, non ?"


Ce second discours m'a souvent amené à entamer des discussions salariales avec mes interlocuteurs. Je sais que dans notre beau pays, le fait d'énoncer son revenu n'est pas une habitude. La plupart de nos concitoyens refuse tout simplement de le dire, un peu gênée, et les autres envoient généralement paître l'impétrant qui demande "et sinon, toi, tu gagnes combien ?" dans une conversation.


Moi, pourtant, je donne mon salaire assez volontiers. Pourquoi ? Parce que je suis fonctionnaire et que mon salaire est issu de l'impôt. Il est donc normal que mes concitoyens sachent où passent leurs contributions. De plus, étant taxé régulièrement de privilégié, il est important pour moi de montrer que je ne suis pas pauvre, mais que je ne suis pas riche non plus, contrairement à ce que l'on croit souvent à propos des enseignants.


Ce comportement me semble on ne peut plus cohérent. Les personnes qui travaillent pour l'Etat sont les salariés de la nation. Ils participent au service public, et ils doivent donc rendre des comptes de leur action. On connaît tous les salaires, y compris celui du président de la République.


Tous ? Non ! Un petit village d'irréductibles salariés résistent obstinément à cette transparence. Il s'agit des conseillers divers et variés qui peuplent les cabinets des ministères. Ces personnels, qui ne sont pas des fonctionnaires au sens statutaire du terme, sont embauchés à discrétion par les politiques. Ils ne sont contrôlés par personne, alors qu'ils peuvent avoir une certaine influence. Leurs rémunérations sont négociées directement.


Je ne conteste pas que les politiques puissent s'entourer des conseillers qui leur sont utiles pour mener leurs missions. C'est parfois réglementé : les parlementaires ont par exemple le droit à trois attachés parlementaires et au service d'un secrétariat. Pour l'exécutif, les choses sont beaucoup plus flous, alors que tout cela fonctionne avec nos impôts. Il est vrai que les sommes sont peu importantes en proportion du budget de l'Etat dans son ensemble, mais il me semblerait quand même logique que les citoyens puissent s'informer de ce qui se passe dans les ministères s'ils le souhaitent.


Hier matin, sur France Inter, un citoyen du prénom de Patrice a souhaité poser cette question à Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, et lui a demandé au passage sa rémunération. Guaino a très mal réagi, expliquant qu'il était honnête et qu'il travaillait, et qu'il n'avait donc pas à se justifier de quoi que ce soit. Vous trouverez cette émission ici en cliquant sur Inter-activ', et l'échange se trouve autour de la 15e minute.


Pour moi, cette réaction est scandaleuse. On n'a pas demandé à Guaino de justifier de la qualité de son travail, quoiqu'on aurait très bien pu le faire aussi, mais de communiquer quelle part des fonds publics lui sont consacrés. Guaino aurait dû répondre, et sans barguigner, car nous le payons. Il est totalement anormal qu'il le refuse.


Même si je ne suis pas un blogueur z'influent, je trouverai normal que tous les blogs réclament de connaître les émoluments de M. Guaino et de tous les conseillers des ministères. Personnellement, je suis tout à fait prêt à vous communiquer les miens, car j'estime que cela fait partie des comptes que nous devons à la nation. La grille de salaires des enseignants est de toute façon disponible sur le site du ministère de l'Education Nationale.


Soyons transparents, car cela ne peut que permettre à notre État de s'améliorer.

mardi 22 juillet 2008

La polémique Jack Lang : la gauche n'a pas autre chose de mieux à faire ?

Aujourd'hui, une nouvelle polémique a vu le jour, suite au vote d'hier sur la constitution : l'expulsion de Jack Lang du PS. Dans la blogosphère, les left-blogs ont diffusé un appel au PS pour virer Jack Lang, du fait de son vote en faveur de la réforme constitutionnelle. Vous trouverez ce texte chez Marc Vasseur, Nicolas, Betapolitique, Intox2007...


Je dois dire que je suis assez dubitatif devant cette polémique, qui me semble ignorer le vrai débat à avoir sur cette réforme. Je vais tenter ici de m'expliquer.


Nicolas Sarkozy avait promis une transformation profonde de notre système politique. Je t'ai déjà indiqué, cher lecteur, dans mon billet précédent, ce que j'en pensais sur le fond. En fait, cette loi constitutionnelle est plutôt un léger toilettage, avec quelques réformes intéressantes, mais qui ne changent pas grand-chose à l'équilibre des pouvoirs. En lisant le texte, je ne vois pas comment cette réforme renforce Sarkozy, ni le Parlement d'ailleurs. Aucune des questions qui plombent aujourd'hui notre République n'est abordée par ce texte : la fin de la simultanéité entre élection présidentielle et élection législative, le fonctionnement du Sénat, l'irresponsabilité du président... Au total, Sarkozy s'est montré dans cette affaire assez conservateur. Il est parvenu à proposer une réforme qui maintient le système gaulliste transformé par Mitterrand et Chirac.


La gauche a toujours contesté cette constitution. Dès 1958, le PCF a milité contre et il a encore voté contre une réforme qui ne change rien, et c'est cohérent. Les Verts réclament une parlementarisation du système, et ils ont voté contre, et c'est là aussi cohérent. Les socialistes ont toujours été plus ambigus avec la Ve République. En 1958, ils soutiennent ce nouveau système, et Guy Mollet est membre du gouvernement de l'époque. Ils rompent avec le système avec l'élection présidentielle au suffrage universel, et Mitterrand se fait le symbole de cette logique avec son "coup d'Etat permanent". En 1968, les socialistes participent à la tentative de faire chuter le régime, et le programme commun de 1972 annonce le changement de République. Tout change avec l'accession de Mitterrand à la présidence, qui applique scrupuleusement le système voire le modifie en abandonnant la pratique gaullienne de la démission en cas de défaite du président en 1986. Depuis, le PS a inscrit la réforme dans son programme sur plusieurs points, dont le Sénat et un accroissement du poids du Parlement.


Il est clair que cette réforme ne répond pas à ces demandes. Maintenant, la droite est largement majoritaire et il était certain que les parlementaires de droite ne modifieraient pas les équilibres. Le PS a tenté d'arracher des choses, mais le résultat est maigre. Il aurait pu s'abstenir, restant ambigu comme il l'a été par le passé. Il a préféré voter contre, adoptant une position dure, que l'on peut comprendre. En se présentant en opposant face à la droite, le PS a marqué qu'il pensait que les Français voulaient plus, et le futur programme pourra inclure des propositions de réformes constitutionnelles beaucoup plus importantes. Voter oui aurait été accepter le système tel qu'il est. Le PS aurait pu se montrer mitterrandien et le faire aussi, mais, personnellement, je préfère largement le vote contre, voire l'abstention.


La droite se trompe finalement en disant que le PS a rejeté une magnifique réforme par esprit politicien. Il est cohérent avec une partie de son passé politique, et semble avoir rejeté la pratique de Mitterrand. C'est finalement, à mon avis, une excellente chose.


Le comportement du PRG n'est pas incohérent non plus. Les radicaux ont été contre cette constitution en 1958, mais restent des gens très modérés. Il semble qu'ils aient évolué en considérant que la réforme améliorait les choses. Je pense que la réforme est bien faible et qu'elle n'améliorera rien, mais ce choix est finalement respectable.


Et Jack Lang alors ? Le PS a appelé ses députés à voter contre, Jack Lang a fait un choix différent. Je crois qu'il a fait une bêtise politique, mais il reste dans la veine mitterrandienne en toilettant simplement la constitution actuelle. Ses motifs sont sûrement divers et variés, et ils ne m'intéressent pas. Par contre, ce qui me semble important, c'est qu'il a assumé son choix, contre son parti. Doit-on le virer pour autant ? A mon avis, si on devait virer tous les parlementaires qui votent à l'encontre d'un parti, ce serait l'hémorragie dans tous les groupes de l'Assemblée. De plus, est-il sain que l'on sanctionne quelqu'un pour un vote qui ne change finalement rien ? Franchement, pour moi, ce sont des pratiques d'un autre âge. Si Lang était au gouvernement ou avait voté pour des textes autrement plus graves comme la réforme des 35 heures, la loi TEPA ou les lois sur l'immigration, on devrait le mettre dehors, sans aucune contestation possible. Sur ce texte-là, avec un impact aussi faible, je n'en vois pas l'intérêt, et j'ai plus l'impression d'un cirque médiatique que d'autre chose.


En clair, je me demande pourquoi mes camarades journalistes, politiciens et blogueurs de gauche ressentent une telle agressivité envers Lang. Pour moi, tous les dirigeants du PS actuels devraient céder la place. La stratégie suivie par F. Hollande depuis 2002 a montré ses faiblesses, et il faut renouveler un peu tout cela. Concentrons-nous sur les idées, expliquons pourquoi il faut faire une autre réforme de la constitution, ce qui ne doit être qu'un aspect d'un programme beaucoup plus vaste, et laissons de côté les questions de personne pour le moment. Laissez Lang se mettre lui-même de côté et aller au gouvernement si cela l'amuse. Mais ne tombons pas dans le piège de la droite. Je peux vous assurer que Sarkozy doit bien rigoler en ce moment...

lundi 21 juillet 2008

Bon, qu'est-ce qu'on trouve dans cette réforme de la constitution ?

J'avais imaginé, en cas d'adoption du projet de loi constitutionnelle, de vous en faire un léger résumé, parce que j'adore le droit constitutionnel (je sais, c'est bizarre, mais vaut mieux ça que d'être passionné par Britney Spears, non ?). Cependant, avec tout ce remue-ménage autour de l'adoption, je m'étais dit que ce texte ne passerait pas et connaîtrait le sort de la réforme constitutionnelle tentée par de Gaulle en 1969. Je m'étais donc convaincu que la lecture de cette loi ne servait pas à grand-chose, et puis voilà ! Les parlementaires ont décidé de voter le texte, à une voix près ! Et zut !


Bon, devant tes yeux ébahis, cher lecteur, j'ai donc lu
la loi constitutionnelle et j'aurai tendance à classer les alinéas de ce texte en trois catégories : les choses qui vont vraiment changer ; les choses qui vont peut-être avoir un impact mais on en est pas sûr parce qu'il faut une loi organique derrière et que cela va prendre du temps parce qu'il y en a une dizaine à réaliser ; les trucs qui font jolis mais qui ne servent à rien dans le fond. Alors, pour résumer, on trouve, dans les grandes lignes:
  • les choses qui vont vraiment changer : la limitation du nombre de mandats de président de la république à deux (et encore, aucun n'a essayé d'en faire plus pour le moment), le contrôle du Parlement sur les interventions militaires extérieures, un meilleur contrôle du Parlement sur son ordre du jour, la limitation du recours à l'article 49-3 à une fois par sessions hors budgets divers, la possibilité de passer par le Congrès pour faire entrer un nouveau pays dans l'UE et d'éviter le référendum débile sur la Turquie.

  • les choses qui vont peut-être avoir un impact mais on en est pas sûr parce qu'il faut une loi organique derrière et que cela va prendre du temps parce qu'il y en a une dizaine à créer : le référendum provoqué par le Parlement soutenu par 1/10e des électeurs, la nomination aux fonctions par le président contrôlée par le Parlement, les conditions de présentation des projets de loi devant les chambres, la possibilité de créer plus facilement des commissions d'enquête parlementaires, la possibilité pour le Conseil Constitutionnel de vérifier qu'une loi déjà en vigueur est inconstitutionnelle et la possibilité pour les citoyens de le saisir, le fait que le président de la République ne préside plus le Conseil Supérieur de la Magistrature, la création d'un défenseur des droits pour aider les citoyens lésés par les services publics.

  • les trucs qui font jolis mais qui ne servent à rien dans le fond : le passage de la parité homme-femme de l'article 3 à l'article 1, la réforme de l'article 16 qui permet au Parlement d'en contrôler l'usage (il n'a été utilisé qu'une fois, en avril 1961, et je ne vois pas comment cela reviendrait), la grâce présidentielle à titre individuel (fin des grâces du 14 juillet et des élections), le discours du président devant le Parlement, la représentation des Français de l'étranger à l'Assemblée Nationale, la possibilité pour le Parlement de voter des résolutions que le gouvernement n'est pas obligé de suivre, le changement de nom du Conseil économique et social qui devient Conseil économique, social et environnemental, l'inscription des langues régionales dans la constitution, l'inscription de la francophonie dans la constitution.

Comme tu auras pu le constater, il y a quand même de petites choses dans cette loi qui sont intéressantes. Malgré tout, il n'y a pour moi que peu de choses vraiment fondamentales, à part peut-être le référendum d'initiative populaire et la possibilité pour le conseil constitutionnel de vérifier des lois déjà votées. Finalement, je trouve que la plupart de ces réformes sont techniques.

L'équilibre des pouvoirs reste le même, et le régime ne change pas : un régime semi-présidentiel, avec quelques modifications à la marge. Il n'y a rien de nouveau sur le Sénat non plus, cette assemblée d'un autre âge, mais après tout, le mot sénat ne vient-il pas du latin senex ?

J'ai entendu aujourd'hui sur la chaîne Public Sénat qu'on changeait de République. Après avoir lu le texte, j'ai plutôt tendance à considérer qu'on a seulement un peu modifié l'actuelle. Finalement, on se demanderait presque les causes de tout ce bruit qui a entouré cette réforme. Une tentative de plomber Sarkozy pour la gauche ? Une volonté d'occuper le terrain pour la droite et de faire oublier les autres problèmes ?

En tout cas, Sarkozy rêvait de mettre sa patte sur cette République. Je crains qu'il ne soit finalement parvenu qu'à la caresser...

Soutien à Claire.

Aujourd'hui, Nicolas, sur son blog z'infuent, a lancé un appel à soutien. En effet, ce matin, Didier Goux, un blogueur avec qui Nicolas a de nombreuses discussions, a publié un billet concernant la femme du fils de son épouse, Claire. Cette jeune femme vient de se faire greffer de la moelle, et est donc enfermée dans une bulle pour les semaines à venir, du fait de sa déficience immunitaire. Elle semble s'y emmerder (ce qu'on peut comprendre) et Didier réclame à ses lecteurs un soutien.


Je suis sûr, cher lecteur attentif, que tu connais Didier Goux. Ce sympathique blogueur m'avait traité de connard sur le blog de Nicolas, et avait indiqué dans mes commentaires que j'étais "à vomir, ou à pleurer, c'est selon." Au départ agacé, voire même passablement irrité, je me suis rendu sur ce blog pour voir un peu de quoi il retournait.


Je dois te dire que, après une lecture régulière, j'ai fini par mettre Didier Goux dans mon agrégateur de flux et par le lire régulièrement. Depuis, je me pose la question suivante : s'agit-il d'un syndrome de Stockholm envers la personne qui m'a insulté ? Aurai-je des tendances masochistes ? Eh bien, je me suis rendu compte que quelqu'un qui peut se comporter comme un cuistre peut aussi être intéressant à lire, parfois... Eh oui, cher Didier, même les connards vous apprécient. J'espère que vous vous en remettrez.


En tant que lecteur de Didier Goux, qui fait son coming-out aujourd'hui, je vous adresse, Claire, tout mon soutien. J'espère que vous guérirez vite.


Beaucoup de sentiments, dernièrement, après le billet sur le collègue suicidé. Vivement que je parte en vacances...

dimanche 20 juillet 2008

La stratégie politique Larrouturou est-elle réaliste ?

Dans son dernier bouquin, Pierre Larrouturou, économiste membre du Parti Socialiste, s'inquiète du développement de l'idéologie néolibérale. Il s'alarme particulièrement de la politique de Sarkozy et propose une stratégie au PS pour virer notre président dès 2009 : mettre l'UMP à moins de 12% aux élections européennes. Son calcul est simple : De Gaulle a démissionné en 1969 et la France s'en est bien remis ; après une défaite monumentale en 1999 aux européennes, Sarkozy a quitté la tête du RPR ; le premier ministre japonais Shinzo Abe a démissionné en 2007 sans que la loi ne l'y oblige.


Franchement, cher lecteur intéressé, je dois bien te dire que j'adorerai virer Sarkozy dès 2009. Penser qu'il va encore falloir le supporter jusqu'en 2012 est un véritable poids. De plus, il est vrai que Sarkozy assume toujours seul sa politique, ce qui devrait signifier en cas d'échec sa démission. Enfin, on voit bien aujourd'hui que les hommes politiques de droite s'inquiètent de plus en plus pour leur avenir et sont largement ambigus face à leur leader. Le vote de demain sur la réforme constitutionnelle pourrait être un révélateur de cette situation, mais d'autres pourraient suivre.


Et pourtant, cher lecteur séduit, je crois que Larrouturou se trompe, et j'en suis bien triste d'ailleurs. Oh, il ne se trompe sans doute pas sur son analyse économique de la situation, mais sur cette solution politique possible pour permettre à la gauche de revenir au pouvoir. En effet, il me semble qu'il s'appuie sur une vision traditionaliste de la constitution française qui ne s'applique plus maintenant. Je vais essayer de te le démontrer :
  • Le lien avec le général de Gaulle ne peut tenir. Le général concevait la constitution comme une structure double. Le gouvernement était pour lui responsable devant le Parlement, mais celui-ci était surclassé par un président qui était responsable devant le peuple. Évidemment, la constitution ne prévoit pas du tout cela, et le président est totalement irresponsable. Pourtant, de Gaulle, dans une vision développée dès le discours de Bayeux en 1946, considérait que toute défaite, soit par des élections législatives, soit par un référendum, signifiait que le président était désavoué et qu'il devait partir. C'est ainsi qu'il obtint une nouvelle légitimité en 1962, en gagnant des législatives et un référendum en même temps et qu'il pu déjouer le mouvement de mai 1968, grâce à des législatives marquées par la peur des gauchistes. Par contre, les Français se rappelèrent au bon souvenir du général en avril 1969, en lui infligeant une défaite. Cohérent avec lui-même, le général quitta le pouvoir. Pompidou et Giscard n'ont pas eu à faire évoluer cette doctrine, car ils n'ont pas connu de défaite durant leurs mandats. Par contre, Mitterrand refusa de partir en 1986, malgré une nette défaite aux législatives, et cela changea toute la logique. Depuis, le président est quasiment inamovible, comme les présidents de la IIIe et de la IVe République, mais en plus, il a des pouvoirs. Seule une alternance législative pourrait l'affaiblir, mais avec le quinquennat, il n'y a plus de raison qu'elle se produise.
  • Sarkozy a certes démissionné de la présidence du RPR en 1999 après une cuisante défaite, mais on n'est pas dans la même situation. Diriger un parti, c'est être capable de le mener au pouvoir, et donc, de lui faire gagner des élections. En 1999, sa liste aux européennes s'est prise une formidable claque, et il a démissionné. Cela n'a pas obéré sa carrière politique, loin de là. En 1999, il ne pouvait faire autrement. Ayant soutenu Balladur en 1995, il avait arraché le RPR aux chiraquiens après la défaite de 1997 et venait d'accéder à la présidence. Cette défaite permettait à Jacques Chirac, loin d'être mort politiquement, de reprendre le contrôle du parti (souvenez-vous, c'est Michèle Alliot-Marie qui s'en est chargée). Aujourd'hui, Sarkozy est le président de la République. Il ne démissionnera que si ses amis le poussent dehors, ce qu'ils ne feront pas, car cela signifierait une défaite immédiate de la droite.
  • Reste l'argument de Shinzo Abe. Ce jeune et fringuant homme politique japonais (enfin, 52 ans, mais pour un politique japonais, c'est très jeune) avait relevé le défi de succéder au populaire Koïzumi. Il était présenté comme un homme populaire, très compétent et promis à une grande carrière. Et pourtant, quelques mois plus tard, battu aux sénatoriales et à moins de 30% dans les sondages, il a décidé de démissionner. Ce type de comportement se retrouve aussi dans de nombreux pays occidentaux, comme le Royaume-Uni, le Canada, l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne. Il se retrouve régulièrement en France chez nos chefs de gouvernement (souvenez-vous d'Edith Cresson, d'Alain Juppé, de Jean-Pierre Raffarin) mais sous la pression du président et pour le protéger. Cependant, en France, un président n'a jamais démissionné sous la Veme République, sauf de Gaulle, mais à cause de sa vision spécifique des institutions. Sarkozy a certes un certain panache, et il sera prêt à virer n'importe quel ministre impopulaire (il l'a dit), mais, alors qu'il a fait toute cette route pour devenir président, partira-t-il à cause d'une défaite aux européennes ? Les municipales n'ont pas eu l'air de beaucoup l'inquiéter cette année...



Alors, pourquoi cette théorie chez un homme politique qui connaît pourtant bien la vie politique française ? Je pense que Larrouturou cherche un moyen de dynamiser le PS et de le sortir de sa statégie apathique. Il donne un objectif à court terme au PS et à ses militants, propose un programme et une stratégie politique. Je trouve finalement dommage de faire croire qu'on pourra vraiment se débarrasser de Sarkozy comme cela. S'il faut en arriver à ce type de raisonnements pour faire bouger le principal parti de gauche, c'est qu'il y a dans celui-ci un vrai problème.

En tout cas, le programme de la Nouvelle Gauche est vraiment intéressant...

vendredi 18 juillet 2008

Un enseignant se suicide...

Les journaux l'annoncent ce matin : un professeur d'histoire-géographie a mis fin à ses jours. Cet homme a été retrouvé pendu dans une forêt près de Fessy, en Haute-Savoie. Ce professeur était l'organisateur de la sortie scolaire qui avait défrayé la chronique au début du mois de juin. Il avait programmé une sortie basée sur l'histoire de la région, liée sans doute au programme de 5e, centré sur le monde médiéval. Les élèves avaient visité le château d'Allinges le matin et se dirigeait vers la cité médiévale d'Yvoire. Durant ce trajet, le car s'était retrouvé coincé sur un passage à niveau à Allinges et avait été percuté par un train. Le résultat avait été horrible et nous avait tous marqué : sept gamins tués sur le coup et trois grièvement blessés.


Pourtant, l'enquête semble montrer que l'enseignant n'avait rien à voir avec l'accident. C'est plutôt le chauffeur de car que les journaux désignent comme le responsable de la catastrophe, même s'il nie toujours. Là-dessus, on devra attendre le procès pour se faire une idée, entre défaillance humaine et défaillance technique. L'enseignant n'y est donc pour rien.


Les journaux expliquent ce matin que l'enseignant était très marqué par l'accident. Évidemment, je ne connais rien de cet homme, et je ne peux pas savoir s'il n'y a pas eu d'autres facteurs qui ont pu expliquer ce suicide. Le Figaro affirme qu'il avait reçu un soutien psychologique, et je suis sûr que ses collègues ont été autour de lui, car la solidarité est forte dans la communauté enseignante.


Cependant, je voudrai, cher lecteur, tenter de te montrer pourquoi ce suicide ne me semble pas aussi incohérent que cela. Lorsque nous sommes en classe avec nos élèves, nous sommes légalement responsables d'eux : les parents, d'après la loi, nous délèguent leurs responsabilités pendant les 55 mn durant lesquelles nous les avons sous la main. Dans ce cadre, l'accident est rarissime, mais il arrive. Souvenez de cette affaire, il y a deux ans, dans une école primaire du Nord, où un gamin avait basculé par la fenêtre sans que l'enseignant s'en rende compte.


Lorsqu'on fait un voyage scolaire, et je peux en parler, car j'y ai participé et j'en ai organisé, la responsabilité est décuplée. Les profs d'histoire-géographie utilisent beaucoup les sorties et les voyages, parce que cela rend notre enseignement vivant. Dans ces situations, les parents nous remettent leurs gosses pour un temps long, avec une charge émotive forte. Ces voyages demandent en plus une organisation lourde, un travail important et une prise de responsabilité maximum. Je sais que si un de mes propres élèves avait eu un accident durant un voyage, j'en aurai ressenti une culpabilité, même si je n'avais rien à y voir.


A cela s'ajoute les sentiments, que tout enseignant développe pour ses élèves, cette espèce d'affection un peu filiale, un peu maternelle ou paternelle. La culpabilité en est décuplée dès qu'il y a un problème. Avec le temps, les profs arrivent à gérer cela plutôt bien, mais parfois, dès qu'une faiblesse psychologique apparaît chez nous, cela ressort et nous submerge.


Je sais que ces explications ne s'appliquent peut-être pas au cas qui nous occupe ici, mais elles me semblent assez cohérentes, et peuvent te permettre, cher lecteur, de saisir un peu mieux le geste d'un professeur sûrement investi, responsable, voulant aussi faire toucher à ses élèves l'histoire directement, et qui n'a pas dû pouvoir supporter leurs morts. Je crois que, dans ce cas, j'aurai peut-être vécu le même processus.


Je sais que cela ne sert à rien ici, mais je voulais quand même présenter mes condoléances à la femme et aux enfants de ce collègue, et assurer aux professeurs du collège de Margencel que tous les personnels de l'éducation comprennent ce qu'ils vivent aujourd'hui, et sont touchés personnellement, même si c'est moins qu'eux. Tenez bon, chers collègues !

jeudi 17 juillet 2008

Le budget de l'Etat dérape toujours, et Gilles Carrez s'explique.

Ayant pris conscience de la tempête déclenchée par ses propos, Gilles Carrez a repris la parole au micro d'Alain Lambert, pour essayer de s'expliquer. Même s'il affirme régulièrement des idées marquées à droite, l'analyse technique du problème reste intéressante.


De même, j'espère qu'Alain Lambert va continuer ce type d'interview et qu'il ne sera pas vite repris en main par les caciques de sa majorité...

Quand on voit les tarifs de la SNCF, on est pas prêt de sauver la planète !

Cher lecteur, je vais te faire partager aujourd'hui une aventure qui pourrait très bien avoir un petit sens politique. Avec quelques proches, je me prépare à faire un petit périple dans une de nos belles provinces, une randonnée d'une quarantaine de kilomètres qui devrait me faire faire un peu de sport, ce qui, en tant que privilégié en vacances depuis trois semaines, va me permettre de me désencroûter un peu.


Pour pouvoir faire ce parcours, il semblait évident de prendre le train, puisque nous allons faire une ligne droite, et que la voiture ne peut pas nous suivre en pilotage automatique. L'un de nos compères de virée travaillant le vendredi, nous devons donc prendre le train un vendredi soir, ce qui est certes cher, mais bon, on s'adapte à ses amis. Eh bien, pour trois personnes, je trouve un TGV avec changement à 176,40 € TTC, avec possibilité d'annuler, parce qu'une rando, par définition, nécessite d'attendre le bilan météorologique. On peut certes prendre un train Corail, qui dure 1h30 de plus, mais cela nous coûte encore 103,50 €.


Ce qui est encore plus intriguant, c'est que chaque train a maintenant un prix différent. Autrefois, à une époque que les blogueurs de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, les tarifs SNCF étaient assez clairs. Il y avait des périodes, liées à la fréquentation, qui déterminaient le niveau des prix. A l'évidence, cela a encore un impact, mais les variations sont fortes entre les trains. En plus, il y a toute une série d'options nouvelles qui nécessitent, à l'évidence, de lire le mode d'emploi pour y comprendre quelque chose...


Immédiatement, je saisis Mappy et lui demande combien coûterait ce voyage en voiture, en prenant en compte un billet de car pour revenir, à la fin de la rando, au point de départ. Mappy, très bonhomme, m'indique que cela durera 3h30, soit autant que le voyage en Corail, et que nous dépenserons 49 € environ si on s'arrête dans des stations-services peu chères type supermarché.


Voilà donc le résultat : alors que j'ai envie de prendre le train et que je trouve cela meilleur pour l'environnement, le système m'incite à utiliser ma voiture, alors que cela va me compliquer en plus la vie. En pratiquant des tarifs qui sont toujours plus chers que la voiture dès qu'on est nombreux, la SNCF ne nous incite nullement à prendre le train, nous entraînant à polluer plus pour consommer plus.


Alors, tu vas me dire, cher lecteur libéral, qu'il faudrait ouvrir à la concurrence pour faire baisser les prix. Franchement, je n'y crois pas, car les coûts d'exploitation du train sont lourds et la concurrence ne s'intéresserait qu'aux destinations rentables, comme cela se passe aujourd'hui pour l'avion. Si on veut lutter contre la pollution automobile, dans un contexte de stagnation des revenus, il faut une politique volontariste vers le ferroviaire. Sinon, on continuera à polluer si on veut partir en vacances.


Une autre solution ? Ne plus partir en vacances... Oui, mais moi, en tant que bon privilégié, j'en ai plein. Ah, pitié, Nicolas, réduis-moi mon temps de vacances, que je puisse gagner plus et me payer le train...

mercredi 16 juillet 2008

Faire revoter l'Irlande : qu'est-ce qui est dérangeant dans cette affaire ?

Encore une fois, notre président de la République s'est fait remarquer par une nouvelle déclaration sur l'Irlande. Les Irlandais vont devoir revoter. Bien sûr, la première réaction est de se demander pourquoi on ferait revoter des gens qui ont déjà dit non une première fois. Et pourtant, cette stratégie a déjà fonctionné avec les Danois au début des années 1990, et avec les mêmes Irlandais en 2000 et 2001 concernant le traité de Nice.


Sur cette affaire, la presse fait d'ailleurs un raccourci assez rapide, car la constitution irlandaise interdit que l'on puisse revoter deux fois sur le même texte, ce qui est finalement assez cohérent. La stratégie de Sarkozy est donc la suivante : on pousse les derniers pays qui n'ont pas ratifié à le faire le plus vite possible. Là, on rédige un avenant au traité avec une petite concession pour faire passer le nouveau référendum en Irlande. Subjugués, les Irlandais votent oui. Sarkozy menace au passage ses partenaires de bloquer toute nouvelle accession à l'UE si de nouvelles institutions ne sont pas adoptées (les siennes, évidemment). Cette menace devrait rassurer nos amis turques, si le texte issu de la réunion de l'UPM ne l'avait pas déjà fait.


La concession proposée aux Irlandais est très claire: accepter que le nombre de commissaires européens soit maintenu à 27, pour permettre à tous les pays d'en avoir un.


Franchement, cher lecteur, encore une fois, on prend les citoyens pour des billes. Qu'en avons-nous à faire d'avoir un commissaire européen issu de notre pays ? Et, d'ailleurs, combien de citoyens européens savent réellement à quoi sert un commissaire européen, et à quoi sert la Commission Européenne ? Je suis sûr que ce nombre est extrêmement réduit. Si on met 27 commissaires alors que le besoin n'existe pas, on diluera les fonctions, ou on créera des commissaires sans réelle mission. Cette concession est donc de pure forme, et sans impact, à part d'affaiblir les commissaires européens.


Ce qu'elle signifie, c'est que Sarkozy vit dans un monde qui est hors de la réalité. Il croît que les Irlandais ont voté non par incompréhension ou méconnaissance, voire par fantasme, comme ils l'ont déjà fait dans le passé. En effet, la presse dit aujourd'hui qu'en 2001, il avait suffi d'une campagne d'information pour faire basculer l'opinion irlandaise. Il suffirait donc de refaire la même chose. En conséquence, il est clair que le président considère les Irlandais au mieux comme des incultes, au pire comme des enfants, et en tout cas certainement pas comme des gens responsables.


C'est là que le bât blesse. Normalement, dans une démocratie, les élus devraient avoir un respect profond et fondamental du résultat des urnes. Le peuple souverain s'est prononcé. Il a dit non : le traité de Lisbonne est mort, c'est dommage, mais on en fera encore un autre. Ce qu'il faut, c'est un processus démocratique qui permette aux peuples de s'identifier et de s'approprier l'UE. Tant qu'on continuera à penser que nous fonctionnons avec des fantasmes, l'Europe n'avancera pas.


Or, dans ce cas précis, Sarkozy veut montrer qu'il est fort en disant : "il y a un vote contre ; ce n'est pas grave, car je vais faire les choses pour que le peuple revienne dessus". Trouves-tu normal qu'un démocrate ait besoin de montrer sa force en bafouant un vote démocratique, cher lecteur ? Trouves-tu normal qu'un président élu considère les citoyens comme des irresponsables ?


Dans le cas de l'élection de Sarkozy, finalement, oui, peut-être...

mardi 15 juillet 2008

Le budget de l'Etat dérape et les parlementaires s'inquiètent. Heureusement, encore !!!

Depuis quelques heures, un nouveau débat enflamme la blogosphère. Tout est parti de deux vidéos diffusées par le sénateur UMP Alain Lambert. La première rapporte quelques déclarations du député Gilles Carrez, qui s'inquiète de l'évolution des déficits, se réjouit de notre présence dans la zone euro qui nous permet encore de résister, et qualifie Eric Woerth de "ministre-croupion", qui ne peut gérer que la dépense. La seconde montre le même Eric Woerth, apparemment arrivé en cours de route dans la discussion, qui reconnaît être "ministre du recouvrement".


Tout de suite, des blogueurs ont fait ressortir le qualificatif de croupion, en particulier Dagrouik et Luc Mandret. Ils ont été repris au vol par Autheuil, qui a tenté de repréciser la position des deux intervenants de son point de vue.
Je doute franchement, cher lecteur, d'une réelle différence entre les trois points de vue de nos blogueurs. Que ce soit un conflit dans la majorité ou une collusion entre Woerth et les parlementaires pour s'inquiéter de la politique de Sarkozy, le résultat est le même : tous ces acteurs de notre vie publique, pourtant de droite et à priori en accord avec le gouvernement, s'inquiètent. Ils s'inquiètent d'abord d'une dérive de plus en plus forte des finances publiques, du fait que le gouvernement ne fait rien pour réduire l'écart et qu'il y a une incohérence politique considérable.


J'ai déjà développé l'idée, dans un billet précédent, que la dette publique n'était pas si élevée que cela et que la France restait finalement solvable, et que la dette privée, vu ce qui se passait aux Etats-Unis, m'inquiétait beaucoup plus. Cependant, il y a un paradoxe fort dans la gestion actuelle des finances publiques. Le chef de l'Etat ne cesse, de manière régulière, de réduire les recettes de l'Etat, et il le fait vite : le paquet fiscal était une première étape, plusieurs impôts ont été supprimés comme les droits de succession, et on s'apprête maintenant, avec la réduction de la TVA dans la restauration à 5,5%, de se passer de trois milliards d'euros supplémentaires, sous prétexte que cela fera redémarrer la consommation. Je suis persuadé que cette mesure sera inefficace, d'abord parce que les restaurateurs ne baisseront pas les prix (par un effet d'aubaine évident), et que, même s'ils le font, l'inflation reprendra le dessus rapidement et rétablira les prix à leur niveau précédent.


La problématique du déficit est pourtant forte, Sarkozy s'est engagé à la réduire, et la Commission Européenne veille. Eric Woerth doit donc réduire les dépenses, parce qu'il n'a pas le choix et il le fait n'importe comment, sans pouvoir se poser les questions de l'efficacité, de la pertinence et de la performance. Il supprime ainsi des fonctionnaires n'importe comment, y compris des gens dont on a besoin : des profs, des médecins, des militaires, des infirmiers... qui servent à quelque chose et qui ne vont même pas lui permettre de réduire le déficit. Pour mémoire, les 30 000 fonctionnaires qui seront supprimés l'an prochain ne représentent que 900 millions d'euros, contre les trois milliards précédemment évoqués de recettes en moins. A l'évidence, nous allons rapidement avoir un gros problème, et je ne vois pas comment notre gouvernement va se sortir de cette équation.


Alors, pour revenir à la polémique précédente, je comprends que les parlementaires grincent en votant des budgets de ce type. Après tout, ils sont aussi responsables de l'équilibre budgétaire de notre pays. Il y a forcément un moment où nous, citoyens, devront payer la note de cette gabegie budgétaire. La vraie bonne réaction devrait être de menacer le gouvernement et de poser la question de la censure : pourrons-nous un jour y arriver ? Ce serait bien, quand même, non ?

Les conséquences de la déclaration commune du Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée : rien du tout ? Pas si sûr...

Durant tout le week-end, Paris était totalement bouclée. Il fallait assurer la sécurité d'une quarantaine de chefs d'Etat de toute l'Union Européenne et de l'ensemble du pourtour méditerranéen. Parmi eux, des chefs d'Etat sensibles, et qui auraient pu se faire attaquer, comme Ehud Olmert, Bachar al-Assad ou encore le joyeux Ben Ali. Nous avons donc dû, nous autres habitants de la région parisienne, supporter la forte présence policière suscitée par ce sommet.


Tout ça pour quoi ? Les grands journaux français soulignent les grandes difficultés que semblent déjà rencontrer le processus : Libération nous explique que la
gouvernance du dispositif pose déjà de gros problèmes dans l'UE comme dans les pays du Sud et que les budgets sont faibles, le Monde nous rappelle l'absence marquante de Mohamed VI et les réticences turques, de même que l'échec des tentatives de conciliation israëlo-palestinienne. Encore une fois, ce type de réunion ressemble bien à une grand-messe qui ne sert pas à grand-chose, à part à pourrir la vie des Parisiens qui n'ont pas pris la poudre d'escampette pour ce 14 juillet.


Pour une fois, cher lecteur ébaubi, je vais faire quelques compliments à Nicolas Sarkozy. Mais si, je t'assure. Réunir ce type de sommet est toujours d'une grande difficulté. Certes, les peuples de la Méditerranée ont une vieille histoire commune (cela est rappelé dans la déclaration), mais les difficultés sont aussi bien plus importantes que les points communs. D'abord, la Méditerranée est traversée par la fracture Nord-Sud, et il est évident que les deux rives ne sont pas du tout à égalité. Ensuite, une deuxième fracture oppose des démocraties et des régimes bien plus autoritaires. Enfin, des conflits importants divisent les pays de la région, que ce soit le conflit israëlo-palestinien, les tensions entre les pays du Maghreb ou la menace islamiste. Ces tensions existent aussi dans l'UE, puisque l'Allemagne, par exemple, est vraiment venue à reculons.


Et pourtant, ce sommet a pu se dérouler, et a même abouti avec la production d'un texte ! Tu vas me dire, cher lecteur, rien d'exceptionnel, et je vais te démentir tout de suite. Souvent, ces sommets, avec de multiples acteurs qui ne s'entendent pas, n'aboutissent à rien, ou simplement à la programmation d'une autre réunion deux ans (ou dix ans !!) plus tard. En plus, ils échouent parfois en cours de travail : souvenez-vous de Kyoto ou de Doha. Il est d'ailleurs drôle de constater les causes des échecs : cette fois-ci, il fallait qu'Ehud Olmert ne soit pas assis à côté d'al-Assad ou de Mahmoud Abbas, mais qu'on puisse quand même obtenir une signature commune de tous ces pays sur le même texte. Il fallait aussi rassurer l'Allemagne qu'on ne créait pas un nouveau machin qui annulerait le travail déjà fait. D'où le nom totalement débile de ce nouveau processus : "le processus de Barcelone : Union Pour la Méditerranée". Plus compliqué, impossible, mais cela reprend la première tentative de construction d'une région euro-méditerranéenne, initiée à Barcelone en 1995, et que l'Allemagne ne voulait surtout pas voir enterré par le bouillonnant président français.


Alors, après cette longue introduction, qu'y a-t-il dans ce texte que les 43 pays ont signé ? Cher lecteur reconnaissant, j'ai fait ce travail de te trouver ce
texte, et en plus de le lire. Je dois d'ailleurs te dire que je suis assez surpris de l'intérêt du document. Tout d'abord, l'UE a réussi à faire signer le même texte aux Israëliens et aux Arabes, ce qui n'est pas rien. Ensuite, les dictatures ont signé un texte qui les désavantage sur plusieurs points : instauration de la paix au niveau régional (point 5) ; rejet des armes chimiques, biologiques et nucléaires de la région (point 5), référence aux droits de l'homme par tous les gouvernements (point 6) ; soutien au processus de paix israëlo-palestinien (point 7) même si on ne fait référence à rien de plus précis qu'Annapolis là-dessus ; condamnation totale du terrorisme (point 8).


Je sais que tu vas me dire, cher lecteur cynique, que ces engagements ne sont que des mots qui n'ont pas grand sens pour ces tyrans qui passent leurs temps à changer d'avis. Je te répondrai : c'est vrai ! Cependant, le fait qu'ils aient accepté ces textes est un réel espoir pour les populations et une marque de volonté politique, même si elle est contrainte. L'histoire nous a déjà donné ce type d'exemples. En 1975, l'URSS signe les accords d'Helsinki, censés fixer le monde de la Guerre Froide, mais qui font référence aux droits de l'homme à plusieurs reprises. Immédiatement, les opposants s'emparent de ce document et ne cessent de l'évoquer lors des procès politiques intentés contre eux, ce qui contribue à l'affaiblissement du gouvernement soviétique de l'époque. Peut-on imaginer ce type d'évolution en Egypte ou en Syrie ? Qui sait...


D'autre part, des projets sont clairement énoncés, et qui ne cessent pas de m'étonner par leurs ambitions (vous les trouverez dans l'annexe) : dépollution de la Méditerranée, construction d'infrastructures de transport pour intégrer cet espace, constructions de plan de protection civile communs, grand projet sur l'énergie solaire... En clair, il y a des choses intéressantes, même si certains projets sont des reprises du processus de Barcelone. De plus, le projet final est la construction d'une zone de libre-échange qui pourrait avoir un effet sur les pays du Sud, même s'il est plus à craindre qu'on s'en serve comme marché secondaire pour nos produits agricoles et industriels...


Alors, y a-t-il des points négatifs dans ce texte ? Oh, que oui, et les journaux, de manière assez singulière d'ailleurs, ne les évoquent pas... Je t'en livre ici quelques-uns :
  • Dans le point 12, l'immigration réapparaît. Certes, le texte se montre très évasif, mais l'objectif semble quand même de pousser les pays du Sud à prendre aussi en main ce problème. L'UE chercherait à repousser la frontière difficile à passer plus loin au Sud qu'elle ne s'y prendrait pas autrement.
  • Le point 13 rappelle bien que participer au processus ne signifie pas du tout une future adhésion à l'UE. Si le Maroc en rêvait, il peut l'oublier. Quand aux Turcs, qui craignaient de se faire rejeter dans le processus en compensation d'un refus d'adhésion à l'UE, je pense qu'ils peuvent continuer à s'inquiéter.
  • Le système a l'air très difficile à gérer, et d'ailleurs, les ministres doivent se revoir en novembre pour décider de quelque chose, car il n'a pas été possible d'arriver à un accord.
  • Les budgets sont constants, et viennent principalement de l'UE, ce qui laisse penser que c'est nous qui déterminerons l'avenir de cette organisation. La différence Nord-Sud apparaît bien visible ici.



Pour conclure, cher lecteur, je pense que c'est un bon début, et que le fait de prendre en compte que la Méditerranée est un ensemble unique est une bonne chose. Cependant, le risque est grand que ce processus soit encore un moyen pour l'UE d'asseoir sa domination sur la région plus que de permettre aux États du Sud de croître. Il y a aussi un certain risque que tout cela n'aboutisse à rien, vu que de nombreux points restent en suspens... A suivre...