vendredi 13 juin 2008

Un exemple du vide actuel de la gauche démocratique: l'exemple, apparemment sans intérêt, de la vidéosurveillance.

J'ai lu ces derniers jours dans la presse que le Royaume-Uni se posait en ce moment de vraies questions sur sa politique de sécurité, en particulier à propos de la multitude de caméras installées partout dans le pays. J'ai trouvé sur le site du Quid le nombre hallucinant de 4,2 millions de caméras au Royaume-Uni, soit environ 1 pour 14 habitants! La France, à côté, est totalement en retard dans ce processus, puisqu'elle n'en totalisait en 2006 que 300 000, soit 1 pour 203 habitants. Ce thème a occupé de nombreuses communes durant la campagne électorale qui vient de s'écouler, et je m'en suis d'ailleurs beaucoup étonné. Le thème de la sécurité avait pourtant semblé quitter progressivement le champ politique national. Je ne dis pas que la délinquance a disparu, je dis juste qu'on s'y intéresse, au niveau général, beaucoup moins. Les municipales ont montré qu'il n'en est rien, et que nos concitoyens sont toujours occupés par ce thème, en particulier dans les banlieues des grandes villes. Ces problématiques ont été avancées par la gauche comme par la droite.


Il faut donc se demander si cela a une quelconque efficacité. Dans l'ensemble, quand on se rend sur le site Eurostat, on constate d'abord que la criminalité a globalement commencé à diminuer dans l'ensemble des pays de l'Ouest de l'Europe au début des années 2000, même si, paradoxalement, le nombre de faits recensés par les différentes polices a augmenté. Là, la vidéosurveillance ne semble pas réellement avoir un impact fort, car, avant cette période, l'augmentation était régulière depuis les années 1970, alors que les caméras ont été massivement installées au Royaume-Uni dès cette période. Eurostat souligne pourtant la précaution très importante qu'il faut avoir en analysant ces statistiques, car les critères sont variables selon les pays. D'ailleurs, il est intéressant de constater qu'en France, la criminalité baisse depuis... 2002!! Sans doute la triomphale élection de Jacques Chirac a-t-elle incité les criminels de tout poil à rentrer chez eux, à moins que ce ne soit l'arrivée de Sarkozy au ministère de l'intérieur...


Il n'y a donc rien, ou pas grand-chose, qui permet de dire que les caméras sont des outils efficaces qui permettent réellement de faire diminuer la criminalité. Dans un billet précédent, j'avais évoqué les problèmes que rencontraient les chauffeurs de bus de l'Essonne avec les fraudeurs. Les articles consultés à l'époque nous indiquent que, si l'installation de caméras dans les bus de la RATP a fait chuter les incidents à l'intérieur du bus, ils se sont reportés sur ses marges, dans les stations et les arrêts. Nous avons là un des gros aspects du problème: une caméra, comme une serrure, un code, un verrou ou un gardien, peut être déjouée par des gens malins qui la localisent et trouvent les moyens de la contourner. Il faudrait massifier complètement la vidéosurveillance pour qu'elle soit un peu efficace, et là, cela me fait peur.
Pourquoi? Je suis pourtant un honnête citoyen et je n'ai pas vraiment de raison de craindre la vidéosurveillance. Et pourtant, je ne la supporte pas, et je vais t'expliquer pourquoi, cher lecteur dubitatif:
  • En tout premier lieu, une caméra ne me rassure pas. Comme je viens de te l'indiquer, un criminel malin peut la contourner sans difficulté. Personnellement, je préfère voir un lieu public avec du monde, qui me rassure tout simplement par la présence de mes concitoyens, qu'une caméra qui ne peut de toute façon rien faire pour moi. Tu vas me dire, lecteur critique, que la caméra est faite pour dissuader en filmant le criminel, et je suis d'accord, mais cela n'empêche pas le crime d'être commis.
  • En second lieu, une caméra peut avoir d'autres effets que celui de filmer les criminels. Elle peut aussi permettre la mise en place d'une surveillance de l'ensemble de la population et des citoyens dans leur globalité. A priori, si je suis filmé, ce n'est pas grave puisque je ne suis pas un délinquant. Je ne supporte juste pas l'idée que qui que ce soit puisse retracer, en regardant simplement quelques films, ce que j'ai fait de ma journée. Pourquoi devrai-je être observé en train de faire mes achats, de me balader dans les rues et les parcs, de conduire, de me moucher ou de me mettre les doigts dans le nez, de me gratter les fesses dans la rue... Même si les caméras sont souvent signalées, ce n'est pas toujours le cas et il y a là une remise en cause réelle de notre intimité. Elles pourraient ainsi permettre aussi une vaste surveillance politique de la population. Qui te dit, lecteur inquiet, que les Renseignements Généraux n'ont pas un accès libre à l'ensemble des films, et ne te surveillent pas en permanence si tu as une quelconque activité publique. Je sais, j'ai trop lu 1984, et trop étudié les totalitarismes avec les élèves, et cela me déforme...

Alors, je vais venir au centre de mon propos. Globalement, les caméras ne servent que peu et ne permettent pas de répondre efficacement au défi de l'insécurité, si tant est qu'il existe. Les mettre en place peut aussi faire penser au citoyen que, si elles n'existaient pas avant, le fait qu'on les installe est une preuve que l'endroit est devenu dangereux: il peut donc y avoir une croissance de la psychose à cause d'elles. Enfin, alors que le traitement de ce problème nécessite plutôt des personnels, policiers en particulier, surtout dans les banlieues difficiles, la caméra est un moyen peu coûteux pour les élus locaux, mais aussi pour l'Etat, de se défausser sur ce sujet sans engager des moyens importants.

Cependant, cher lecteur, je peux te dire que je ne suis pas surpris que des maires de droite, traditionnellement sécuritaires, s'emparent de ce type de mesures. Par contre, la gauche, qui a avancé ce thème dans de nombreux coins de Paris et du 93, ne devrait pas se lancer là-dedans. Il réduit le thème de l'insécurité à son aspect pratique et ne règle pas vraiment le problème. En plus, si on pourrait le comprendre dans une cité chaude, pourquoi parler de cela dans le 11ème arrondissement de Paris, si ce n'est pour récupérer des voix sans aborder le programme de fond? La gauche doit se poser des questions sur cela avec ses propres problématiques, avec son mode d'analyse et ne pas reprendre les visions de la droite. Laissons la vidéosurveillance et son échec flagrant, malgré un abandon de libertés, aux Anglo-Saxons, et traitons le problème par du personnel, des politiques sociales, de formation et d'éducation, et des moyens. Le policier reste en France un vrai moyen de dissuasion de la criminalité. Remettons de l'humain dans notre vie sociale, et cela, au moins, nous rassurera.

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