mercredi 4 juin 2008

Poursuivons le raisonnement et intéressons-nous à la productivité.

Tu l'auras noté, cher lecteur, en ce moment, je suis complètement obsédé par cette notion de temps de travail. Le questionnement sur la productivité est ressorti en écoutant le gouvernement. En effet, le président, François Fillon et Xavier Bertrand ont évoqué à plusieurs reprises l'idée forte que nous devions hausser le temps de travail des salariés, ce qui permettrait d'accroître la création de richesse.

Définir la productivité n'est pas une mince affaire et je sais que c'est une notion qui est parfois assez difficile à faire saisir à mes propres élèves. Pour être simple ici, j'ai trouvé sur une page du ministère du travail du Québec une définition claire: la productivité est définie comme le rapport entre la production d'un bien ou d'un service et l'ensemble des intrants nécessaires pour le produire. Ah, en fait, je crois que tu as raison, ce n'est pas si simple. La notion impose de définir l'idée d'intrant: le Bureau International du Travail y inclut la science, la recherche, l'enseignement, la technique mise en oeuvre, la gestion, les installations de production, les travailleurs et les organisations syndicales. Ce qui provoque une productivité élevée est donc un fourre-tout très important.

Comme on l'a vu dans un billet précédent, la France a l'une des productivités de la main d'oeuvre les plus élevées du monde, autant au niveau de la productivité par heure de travail, qu'au niveau de la productivité par personne occupée, selon Eurostat. Cela signifie donc que nous, Français, sommes hyper-productifs. Cette hausse de la productivité a été générale et mondiale, est c'est très important de le souligner en préambule. Elle vient principalement de la révolution de l'informatique et de la robotique, et certains économistes n'hésitent pas à souligner que nous avons vécu la hausse de la productivité la plus forte que notre espèce n'a jamais connu, et qu'il est finalement très difficile de savoir aujourd'hui ce que cela donnera dans les trente prochaines années. Toi qui lit en ce moment cet article, cher lecteur, tu vois bien que l'ordinateur et le réseau sont devenus, en quelques années, une composante indispensable de ta vie, autant au travail que dans tes loisirs. Personnellement, j'ai beaucoup de mal à mesurer le changement apporté, car j'ai toujours connu l'ordinateur dans le travail (pardonne ma relative jeunesse, lecteur indulgent) mais je pense que les vieux pourraient largement souligner les apports considérables dans le travail de ces outils.

Cependant, cette révolution n'explique pas tout, car elle est commune à tous les pays développés. La France doit avoir des atouts particuliers. Je sais que je vais me faire attaquer sur ce blog, mais je pense que l'Education Nationale a un rôle là-dedans, car nos travailleurs sont plutôt efficaces, compétents et bien formés. Le fait que notre école ait un objectif très élitiste pour tous a participé à donner à une grosse majorité de la population des compétences qui ne sont pas forcément diffusées chez tout le monde aux Etats-Unis, en Allemagne ou au Royaume-Uni. D'ailleurs, la Finlande, si louée en ce moment pour les bienfaits de son système éducatif, est en-dessous de la moyenne de l'UE des 27 pour la productivité, et elle est devancée par des pays comme l'Autriche, l'Allemagne, le Benelux ou la France.

Bon, maintenant que je me suis vanté, et que j'ai loué le système éducatif républicain français, essayons de voir s'il y a d'autres raisons. Un phénomène me frappe grandement: la France est un pays où les salariés travaillent moins qu'ailleurs (41 heures ce qui nous place en 20ème place de l'UE 27). Il est vrai que la durée légale est à 35 heures, qu'on a cinq semaines de congés payés et les RTT et qu'on a, en plus, de nombreux jours fériés. Mais on fait mieux que les autres. Cela peut signifier plusieurs choses: les entreprises doivent être assez bien organisées, l'Etat et les services publics aussi, les travailleurs sont très efficaces.

Cependant, cette productivité très forte se fait au dépend de nombreuses choses, dans notre système économique. Il ne faut jamais oublié les fameux 10% de chômeurs. Ces personnels sont souvent des personnes de faible qualification. Cela marque une évolution claire: dans un système très productif, ceux qui ne suivent pas souffrent et ne parviennent pas à trouver d'emplois. Donc, pour conclure, nous avons une économie très productiviste, mais qui laisse de côté une bonne partie de ses membres, et je ne parle pas des jeunes qui arrivent tard sur le marché du travail, et des vieux qui en sortent tôt.

Quelle merveille que l'économie française qui laisse de côté une large majorité de son potentiel mais qui parvient à produire autant que les autres en faisant cela (remember Jacques Marseille). En clair, si on veut réfléchir sur le temps de travail en France, on ne peut pas raisonner avec les mêmes recettes qu'en Angleterre ou au Japon, car il faut prendre en compte la forte rentabilité du travailleur français.

Alors, revenons aux mesures gouvernementales. Sarkozy propose finalement une réforme qui a un certain sens au niveau micro-économique. Il prend en compte le fait que les riches ne veulent pas céder une part de leurs augmentations de revenus récentes et que les salaires n'augmenteront pas. Ils considèrent cependant que les autres commencent à râler et souhaite leur redonner du pouvoir d'achat. Donc, il se dit l'idée suivante qui fait mouche: "augmentons le temps de travail et laissons les gagner plus de fric comme cela". Cependant, cela serait efficace en Angleterre car la productivité y est faible. Une mesure qui pourrait donc se tenir au plan micro-économique ne donnera rien au plan macro-économique voire aggravera le chômage, car elle incitera les entreprises à ne pas embaucher et à utiliser davantage des travailleurs qui donnent à l'évidence déjà beaucoup. Il y aura peut-être une hausse du pouvoir d'achat mais elle sera légère.

Reste donc le grave problème du chômage. Il ressort de tous mes derniers billets, et il est finalement, à mon avis, la pierre angulaire de tout le problème. Sarkozy semble considérer qu'il n'est pas important, mais il explique à mon avis beaucoup de choses. J'y reviendrai dans un prochain billet, cher lecteur, car là, il faut moi aussi que j'aille travailler...

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