lundi 16 juin 2008

La crise de l'UE depuis le non irlandais

Comme je l'avais espéré inconsciemment, l'Irlande a voté non au référendum sur le traité de Lisbonne, comme les Français et les Néerlandais l'avaient fait en 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen (TCE). Ce nouvel échec ne peut avoir que du positif, en tout cas, c'est ce qui aurait dû être. Pourtant, depuis le référendum, la presse comme les politiques expriment leurs poignantes inquiétudes, et semblent signifier que nous allons, une fois de plus, nous passer de l'avis du peuple. Les blogueurs libéraux ne cessent de dire depuis la semaine dernière qu'il va donc falloir laisser le peuple de côté pour poursuivre la construction européenne, certains arguant même du fait que l'UE n'étant pas une démocratie en soit, car elle n'est pas un État et que ce n'est finalement pas bien grave.


Comme quoi, malgré les leçons tirées du passé, les élites européennes s'enfoncent dans le n'importe quoi. Ne trouves-tu pas scandaleux, cher lecteur, que nos dirigeants nous préparent à devoir renoncer à nos espoirs de contrôle démocratique parce que nous sommes des irresponsables qui ne savons pas prendre les bonnes décisions? Évidemment, dans ce cas précis, la bonne décision est d'accepter les textes qu'ils nous proposent. Belle preuve de démocratie qui s'étale depuis la semaine dernière dans l'ensemble de nos journaux, et sur l'ensemble des blogs que la toile compte.


Je suis atterré de ces comportements antidémocratiques. Il est vrai que les populations dans leur ensemble ont eu du mal à s'intéresser à cette question. Depuis 1979, les élections européennes mobilisent peu d'électeurs et se jouent généralement sur des questions nationales. De la même manière, je n'ai pas souvenir que la dernière présidentielle française ait été marquée par un débat de fond sur la question européenne. Et pourtant, cher lecteur, et pourtant, il y a plusieurs signes très positifs de l'intérêt de nos peuples pour l'UE: ce sont les différents référendums sur l'Europe qui ont déjà eu lieu. Dès le premier référendum en 1992, le taux de participation avait été très élevé, et les Français avaient dit oui à l'euro, permettant une avancée massive dans la construction européenne. Ce fut la même en 2005, et le débat, contrairement à ce que l'on a souvent affirmé à l'époque, a été de haut niveau. A chaque fois, les Français ont montré qu'ils ne dédaignaient pas cette question. Les Irlandais ont eu le même comportement cette fois-ci.


Et pourtant, cher lecteur, c'est non, non et encore non pour une troisième fois. On a tendance à oublier que les peuples européens ne disent pas toujours non: en 2005, les Espagnols ont dit oui au TCE à une très large majorité, et n'oublions pas non plus les Français en 1992. Les journaux ont imputé le rejet irlandais à la crise qui touche en ce moment ce pays, mais, en 2000, les Irlandais avaient déjà dit non à Nice alors que la croissance était à ce moment-là en pleine forme. Ils étaient revenus sur leur choix l'année suivante, après moult culpabilisations. Il y a donc des cas où les Européens sont d'accord, et d'autres non, ce qui montre qu'on ne peut pas toujours dire que le peuple est en désaccord.
On peut donc s'accrocher au fait que les Européens sont des irresponsables qui disent toujours non. A ce moment-là, continuons la construction sans consulter jamais le peuple. Vu que les élites estiment avoir raison, devant le succès incontestable de la construction européenne, la situation de l'ensemble de l'Europe va s'améliorer progressivement et les peuples vont commencer à aimer cette Europe. A partir de là, nous pourrons commencer à envisager de démocratiser l'ensemble.
Prenons l'autre possibilité, et essayons de démocratiser maintenant. Cela implique d'abord de trouver des institutions qui puissent fonctionner, associant la mise en commun de domaines de manière démocratique tout en respectant l'identité de chaque État et de chaque peuple. C'est un défi formidable, car il implique d'inventer un système politique qui n'a jamais existé jusqu'à ce jour: la construction d'une structure fédérale entre des Etats-nations. En nous lançant là-dedans, l'UE deviendrait quelque chose d'unique, dont nous pourrions réellement être fiers. Pour réussir cela, je propose que nous arrêtions la construction, et que nous nous lancions démocratiquement dans le débat institutionnel.
Une fois les institutions construites, les peuples éliront des partis qui proposeront des programmes et commenceront à s'affronter pour le pouvoir. Ces partis nous donneront des voies différentes à suivre pour l'Europe, mais nous aurons au moins le choix, ce que la construction actuelle ne fait pas. Je ne crois en rien à la vision des libéraux dans cette affaire qui espère imposer une construction par le haut, en manquant, à mon avis, grandement de courage politique. Dans ce cas précis, pour que les peuples acceptent pleinement des renoncements importants de souveraineté, ils doivent s'approprier l'UE et se rendre compte qu'elle est leur, et pas seulement une construction réalisée par quelques élites déconnectées des réels désirs des peuples.
Alors, n'ayons pas peur, et allons-y!

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