lundi 2 juin 2008

Avant de parler du temps de travail, demandons-nous ce qui se passe autour de la création des richesses...

Je vois, en lisant les commentaires, que la question du temps de travail suscite un débat, et j'en suis heureux, car plus je me documente, plus j'ai l'impression que c'est fondamental.

Pour débuter un raisonnement sain et cohérent sur le temps de travail, il me semblait nécessaire, avant toute chose, d'essayer de démêler certaines données régulièrement fournies par le gouvernement concernant la France à la traîne et la faible production de richesse. Cette faiblesse justifierait que l'on augmente la durée du travail que l'ignoble Jospin, venu de l'URSS dans un lointain passé, avait horriblement mutilé. Alors, puisque nous avons commencé par cela, il faut qu'on essaye de voir s'il est vrai que ce frein dans la croissance de nos richesses est une réalité.

Trouver des statistiques remontant loin dans le temps sur le PIB n'est pas chose facile. Pourtant, grâce au fait que je ne travaille que six heures par semaine, cher lecteur ébahi, j'ai pu trouver quelques éléments pour t'aider sur le site de l'INSEE. Ce que j'ai pu constater est édifiant. Si on suit bien la longue série de chiffres, on se rend compte que la croissance ne s'est quasiment jamais arrêté depuis 1981. Certes, elle a été bien plus lente qu'avant le premier choc pétrolier, comme partout ailleurs dans le monde. A l'époque, durant les Trente Glorieuses, on tournait en moyenne autour de 4 à 6% par an. Depuis, la croissance a commencé à diminuer, et on tourne depuis 1981 entre 1 et 3%. Il n'y a eu durant cette période qu'une année de récession, en 1993, où le PIB a reculé de 0,9% Cette série de chiffres montre bien que la richesse n'a cessé de croître en France depuis 1945, même si cette croissance a été plus lente depuis 1973.

Il faut donc tenter maintenant de donner une valeur en volume de ce PIB, parce que les chiffres d'évolution en pourcentage, j'ai du mal, comme toi sans doute, cher lecteur. Heureusement, l'INSEE a une page éducative sur laquelle les chiffres sont résumés. Au total, si on reste sur les euros constants 2000, que constate-t-on? En 1982, le PIB équivalait à une valeur de 966 milliards d'euros. C'est considérable, mais, en 2006, à euro constant 2000, on est à 1593 milliards d'euros. Cela signifie que le PIB a augmenté de 40% depuis 1982.

Là, cher lecteur, perdu dans les chiffres, tu te demandes où je veux en venir. Ce que je veux te dire, c'est que la richesse de ce pays a augmenté, depuis 1982, de 40%!!! Est-ce que tu te rends compte de l'énormité de ce chiffre? On aurait pu se dire que cette croissance s'arrêterait avec les 35 heures, mais non, elle se maintient comme elle peut, mais il n'y a pas de baisse significative. Cela signifie donc que la baisse du temps de travail n'a pas provoqué de diminution de l'accroissement de richesse!!! C'est une nouvelle formidable, et il faut la diffuser.

Et pourtant, cher lecteur, tu t'interroges: "ce que tu dis, privilégié, est sans doute vrai. Mais, moi, dans mon porte-monnaie, je n'ai nullement l'impression que cette évolution soit aussi importante. Par exemple, depuis 2000, on a pris 200 milliards d'euros de PIB. Pourtant, mon salaire n'a pas beaucoup évolué, et pas de 13,5% en tout cas". Eh bien, cher lecteur, je crois que je vais pouvoir t'aider grandement, car, en lisant un peu d'économie, je pense pouvoir utiliser quelques théories simples pour t'expliquer pourquoi tu as l'impression de ne pas voir la couleur de cette croissance.

Pour comprendre cela, je te conseille de t'intéresser aux travaux de Thomas Piketty. Celui-ci a démontré que les revenus ne se répartissaient pas du tout égalitairement. Le revenu moyen des Français a gagné 5,9% entre 1998 et 2006, ce qui peut sembler bien peu par rapport à la croissance. Par contre, la part des 5% des Français les plus riches a augmenté de 11% sur la même période, celle des 1% les plus riches de 19%, et celle des 0,1% les plus riches de 32% (ces chiffres sont tirés d'une étude de 2006 de Camille Landais). Et je n'oublie pas les augmentations de salaire faramineuses des grands patrons français, évoquées ce mois-ci dans le magasine l'Expansion.

Tu te demandes donc où je veux en venir. Nous y voilà. Dans le billet
précédent, on avait constaté que les personnes qui travaillaient à temps plein bossaient 41 heures en moyenne, avec 30% de précaires et de chômeurs à côté et que nous étions hyper-productifs par rapport à d'autres pays. Pour compléter ce schéma, on peut ajouter que:
  1. Cette hyper-productivité s'illustre dans la croissance du PIB, qui n'a quasiment jamais cessé en France, malgré la crise économique, le chômage de masse et la baisse du temps de travail.
  2. Cette croissance du PIB a été considérable, permettant depuis les années 1980 une augmentation de la production de richesses de 40% en France.
  3. Ces ressources ont été très mal réparties: elles vont de plus en plus vers les riches, qui voient leurs revenus exploser, les autres salariés à temps plein en bénéficiant assez peu.
Finalement, ces statistiques donnent de la France une image assez sombre: une richesse de plus en plus grande, des très riches qui sont de plus en plus riches, des salariés dont le pouvoir d'achat augmente lentement et qui se demandent pourquoi vu la production de richesses, et tout un groupe de la population, précaires et chômeurs, qui ne profite pas du gâteau. En clair, il y a en France, contrairement à ce que dit le gouvernement, non pas un problème de création de richesse et de manque de travail, mais un problème de répartition de ce travail, qui pèse sur une partie finalement faible de la population (15 millions de personnes), et une distribution des revenus tout aussi inégale.

Je te laisse réagir, cher lecteur, et je poursuivrai mon raisonnement prochainement. Il faut bien que je me repose de mon heure de travail de la journée...

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