mardi 20 mai 2008

L'idée d'interdire le déficit budgétaire, ou comment se tirer une balle dans le pied et limiter la souveraineté du peuple.

Ah, cher lecteur, depuis quelques jours, tu entends la majorité parlementaire qui s'est enfin ressoudée. Ah, tu les vois heureux, fiers d'eux, d'avoir enfin trouver une idée simple, claire, évidente et qui séduira forcément les Français par sa logique implacable. S'agit-il de la volonté claire du président de la République de mener enfin le démantèlement de l'Education nationale, cette citadelle de gauchistes? Cela pourrait être, mais en fait, non. Il s'agit de cette proposition de réforme constitutionnelle qui traverse en ce moment les députés: interdire à l'Etat le déficit budgétaire.

Ah, quelle belle idée, cher lecteur. Enfin!!! Depuis le temps que les hommes politiques creusent le trou, et avec la dette immense que nous aurons à assumer, il fallait enfin une initiative qui marque les esprits. Après tout, cette mesure semble de bon sens. Elle devrait permettre d'éviter qu'un gouvernement irresponsable continue de creuser allègrement le trou en faisant des dépenses somptuaires et inconsidérées. En fait, je me dis presque qu'elle est directement causée par Nicolas Sarkozy. Celui-ci a continué d'accroître les dépenses, tout en sabrant joyeusement dans les recettes avec le paquet fiscal, la réforme des impôts et le relâchement de la lutte contre la fraude fiscale. Finalement, les députés de droite essaient de trouver quelque chose pour encadrer un peu le chef de l'Etat, et on pourrait s'en féliciter. On pourrait, en effet... Mais décidément, non, on ne peut pas.
Tout d'abord, cher lecteur, je trouve que les députés se moquent joyeusement du monde. N'oublions pas que, dans notre belle République, ce sont les députés qui votent le budget, et non pas le président de la République. Si ces députés avaient dit non à Sarkozy l'an dernier avec le paquet fiscal, le déficit budgétaire serait bien moins lourd. Alors qu'ils souhaitent relever le rôle du Parlement, les voilà obligés de bloquer le gouvernement de manière constitutionnelle, tellement ils n'arrivent pas à le contenir de manière législative. C'est là un bel exemple d'absence de responsabilité, et une preuve flagrante de la faiblesse de nos députés et de notre parlement dans son ensemble.
Devant cette lâcheté, les députés sont prêts à renoncer à un pouvoir économique considérable et à en priver le peuple. L'Etat est en effet un acteur important de la vie économique et sociale. Lorsqu'il investit, son rôle est primordial: construction d'infrastructures, développement de la recherche, des réseaux d'eau, des transports, de l'éducation, de la culture. Évidemment, tout cela coûte cher, mais, théoriquement, il y a ensuite création de richesse, croissance économique et amélioration des conditions de vie de la population. D'ailleurs, quand on écoute le débat actuel, on entend les journalistes différencier les investissements de l'Etat du fonctionnement. Il faudrait aussi séparer le fonctionnement des services qui produisent de la richesse (éducation, culture, recherche...) des autres. Mais, si on y réfléchit, existe-t-il réellement quelque chose dans l'Etat qui ne produit pas de richesse? Question que je laisse en suspens... Tout cela est en tout cas très idéologique, et je ne suis même pas sûr qu'il y a une théorie furieusement libérale là-dedans. Crois-tu vraiment, cher ami, que la majorité retoquera le budget de Sarkozy déficitaire l'an prochain, parce que c'est inconstitutionnel???
Une dernière chose découle de tout cela. En menant cette réforme, les députés cherchent aussi à imposer à la France le modèle libéral, mais de manière partielle. Que se passera-t-il quand un gouvernement de gauche voudra faire du déficit, en suivant les logiques keynésiennes? La droite saisira le conseil constitutionnel, et cela sera annulé. Par contre, si c'est la droite qui mène ce type de politique, la gauche ne s'y opposera pas car elle est pour! Résultat, la droite garde les mains libres alors que la gauche va avoir de gros ennuis dans le futur. Pourquoi, cher lecteur? Tout simplement parce que le conseil constitutionnel ne censurera une loi que s'il est saisi! Au pire, la gauche pourra saisir aussi sous la droite, mais, dans tous les cas, on va vers la paralysie générale!
Pour résumer:
  • Cette mesure illustre, si elle passe, la faiblesse du Parlement.
  • Elle tente d'appliquer à l'Etat la gestion de l'entreprise et un modèle vaguement libéral, et elle menace les capacités d'action de l'Etat dans l'économie.
  • Elle est dangereuse pour la démocratie et risque d'empêcher tout gouvernement à l'avenir de mener sa politique lorsqu'il est au pouvoir.

Donc, une chose est sûre, soyons contre, citoyens!!!

2 commentaires:

  1. Tout d'abord il ne faut pas t'emballer comme ça, l'idée d'interdire le déficit budgétaire de l'Etat c'est un peu l'Arlésienne de ces 15 dernières années, on en parle beaucoup mais rien ne pointe jamais à l'horizon...

    Ensuite, pour rappel, les Collectivités Territoriales (Villes, Départements et Région) sont soumises à l'obligation d'équilibre budgétaire, ça n'empêche pas l'utilisation d'emprunts ou de répartir sur plusieurs années les investissements.

    D'ailleurs, c'est assez drôle cette vertu soudaine, rappelons nous que depuis un bon nombre d'année le budget de l'Etat est voté sur un équilibre artificiel, on fait le total des dépenses, et on considère que la croissance sera exactement au rendez-vous pour combler l'augmentation des dépenses, c'est seulement après qu'on découvre qu'on a peut-être été optimistes en surévaluant les recettes...

    Il a a aussi eu une loi votée recemment sur ce sujet, la LOLF, qui devait donner aux députés le moyen de surveiller les finances de l'Etat avec plus de pouvoirs, mais voilà, une fois le coup de pub passé on range le gadget et on revient aux vieux démons, rien de neuf sous le soleil donc, on se donne une image de vertueux pour remonter dans les sondages, rien de plus (d'ailleurs, pourquoi cet équilibre doit-il, comme par magie, se compter sur 5 ans, soit la durée du mandat présidentiel, un hasard croyez-vous ou un calcul sur l'amnésie populaire bi-décennale ?).

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  2. C'est vrai que les CT sont contrôlées par des institutions comme les préfectures, les chambres régionales des comptes ou la Cour des comptes. L'Etat l'est aussi par la Cour des comptes, qui donne un avis avant le vote de la loi de règlement. Mais, pour l'Etat, ce contrôle se fait à postériori, ce qui est cohérent, mais sans possibilité de sanctions derrière. Un maire peut être mis sous tutelle, et être obligé de modifier sa politique budgétaire. Ce n'est nullement le cas du gouvernement. L'organe de contrôle, le vrai, le seul, c'est le Parlement. Si seulement les députés se décidaient à s'en souvenir...

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